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MÉDITERRANÉE, DE COURBET À MATISSE (exposition)

« Si l'on demandait quelle est la plus originale création du xixe siècle, il faudrait peut-être répondre : c'est la mer. [...] Devant un spectacle qui enchante jusqu'à l'enivrement les sensibilités d'aujourd'hui, les sensibilités d'hier restaient froides, ennuyées ou même peureuses. Le paysage marin, loin d'être recherché par les hommes, était fui comme un danger ou comme une laideur. » Observateur attentif des usages de son temps, l'écrivain et critique Remy de Gourmont résume ainsi, en 1903, un changement capital de la relation des hommes à la nature, qui avait commencé de se manifester une cinquantaine d'années plus tôt et s'était révélé depuis extrêmement fécond en peinture comme en littérature. Le propos de l'expositionMéditerranée (19 septembre 2000-15 janvier 2001) tient entre cette réflexion de portée très générale et un aveu de Colette, qui, en 1930, excédée par l'invasion des estivants, avait vendu sa maison de Saint-Tropez : « Ô ! nostalgie du paradis perdu, tu me poursuis comme une hantise au fil des mois. [...] Ici règne une couleur qui ailleurs est celle du songe, mais qui, sur le rivage provençal, baigne toutes les réalités. »

Enivrement devant le spectacle de la mer, sentiment de l'éden retrouvé, règne de la couleur et de la lumière comme manifestations tangibles du réel, ce sont là en effet les mots clés d'une exposition qui débute par Le Bord de mer à Palavas, 1854, de Courbet (musée Fabre, Montpellier) pour s'achever sur Intérieur au violon, hiver 1917-1918, de Matisse (Statens Museum for Kunst, Copenhague) et La Fenêtre, 1925, de Bonnard (Tate Gallery, Londres). En seulement quatre-vingt-six tableaux et une unique sculpture, La Méditerranée, 1923-1927, de Maillol (musée d'Orsay), dont nombre de chefs-d'œuvre, Françoise Cachin, commissaire de cette exposition, est parvenue à montrer comment la découverte de la Méditerranée – de Cadaqués à Bordighera – a nourri l'évolution de la peinture entre 1850 et 1925 de sensations nouvelles et de motifs porteurs d'une poétique et d'une plastique radicalement différentes. D'une manière plus conceptuelle, d'aucuns auraient intitulé ce projet « Méditerranée et modernité », et démontré à travers les essais et notices d'un gros catalogue, que les avancées du PLM et l'essor des avant-gardes picturales de la seconde moitié du xixe siècle avaient partie liée avec le sens de l'histoire.

À l'inverse, Françoise Cachin a organisé son accrochage comme un enchaînement très libre de sections thématiques mettant en évidence la richesse de ces motifs nouveaux : découverte de la Méditerranée, rochers, rivages, Antiquité retrouvée, arbres, villégiatures, baigneuses, voiles et ports, luxuriances, fenêtres enfin. C'était, à y bien réfléchir, le seul parti souhaitable pour une exposition toute de connivences et d'intuitions : car montrer dans le détail l'évolution de Cézanne, de L'Estaque aux Sainte-Victoire, les développements du néo-impressionnisme (Signac, Cross, Van Rysselberghe) au bord de la « grande bleue », ou encore ceux de Matisse, de Collioure à Nice, aurait assurément imposé de convoquer plus de tableaux, à moins d'opter pour la solution nettement plus sage de découper le propos en autant d'expositions.

La réussite de Méditerranée est d'avoir su laisser les œuvres, chacune dans sa singularité, et les unes par rapport aux autres, s'imposer au regard du visiteur, aidé par les citations d'artistes et d'écrivains qui jalonnaient le parcours et achevaient de lui dessiller les yeux. On n'oubliera pas le rapprochement très fort de l'Étude de colline (le Garlaban), 1871-1872, de Monticelli (musée des Beaux-Arts, Marseille), de Rochers à l'Estaque[...]

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