MÉDIUM ET TECHNIQUE(arts)
Pour les arts et l'architecture
L'appellation « médium » ou « médium à peindre » correspond dès la fin de la Renaissance, en Italie, en Flandre et en Angleterre, à un produit spécifique : « À une huile siccative plus ou moins saponifiée par de la litharge (contenant du savon de plomb) est additionnée une solution de résine naturelle mastic contenant environ 50 p. 100 d'acides triterpéniques » (Jean Petit, Jacques Roire et Henri Valot, Des liants et des couleurs pour servir aux artistes-peintres et aux restaurateurs, 1995). Une réaction fait apparaître des savons de plomb qui, peu solubles au repos, se liquéfient sous le mouvement du pinceau, permettant une peinture précise, sans mélange accidentel de couleurs, condition de la perfection exigée du médium (au sens moderne), lorsqu'il s'agit d'une peinture religieuse et sacrée.
Les historiens de l'art parlent aujourd'hui, par exemple, de « l'importance de l'image comme médium de la propagande bonapartiste », celle-ci empruntant à la grande tradition de la peinture d'histoire, mais aussi du portrait sculpté, et encore au renouvellement, dans la production de la Manufacture de Sèvres, de services de porcelaine au décor historié et personnifié.
Quant à la photographie, née avec Nicéphore Niépce en 1827, elle a été considérée comme « le médium des temps modernes ». Elle est à l'origine de l'histoire de l'art comparative, tout en étant influencée par elle, et en particulier par la peinture, la sculpture et l'archéologie monumentale. Elle a également été à l'origine d'un autre médium, qualifié de « septième art » : le cinéma.
L'art contemporain a engagé des débats approfondis sur le médium, modifiant souvent, et parfois considérablement, la perception du rôle de la technique. Les interventions chirurgicales que subit Orlan dans les années 1990, se servant de son propre corps comme d'un médium, produisent des archives dans l'action artistique, l'opération même qui altère son visage s'inscrivant dans un temps non reproductible. En revanche, les Anthropométries, empreintes bleues de femmes utilisées comme des pinceaux vivants par Yves Klein en 1960, sont le résultat, devenu pérenne, d'événements éphémères. Le choix du médium par l'artiste contemporain se fait en fonction du message qu'il cherche à délivrer, des interrogations soulevées et de contradictions émergentes. Le médium peut déterminer une discipline artistique ou culturelle, qu'il s'agisse de land art, de performance ou d'art conceptuel. L'intellectualisation de la notion de médium, qui donne parfois l'impression de repousser au second plan les préoccupations techniques, est encouragée par l'explosion du domaine informatique. En effet, l'informatique (dont l'image numérique est l'une des expressions) met à notre disposition la possibilité de revisiter des millions d'exemples visuels, qui alimentent une puissante dialectique de l'art, et du culturel en général, avec le document. Notre avenir dépendra sans doute de la nouvelle synthèse que nous saurons construire entre les besoins de nos cultures et les ressources de l'imagerie scientifique, au sein d'une société technique de l'information considérablement élargie.
Quant à l'architecture contemporaine, elle sait intégrer médium et technique. À la suite des réflexions de Le Corbusier sur la fonction et l'esthétique architecturales, ou de Louis I. Kahn sur la lumière en architecture, des architectes contemporains comme Renzo Piano (dans sa conception, avec Richard Rogers, du Centre Georges-Pompidou à Paris, en 1977) ou Norman Foster (avec le réaménagement du British Museum à Londres, en 2000) gèrent leurs projets en combinant programmes informatiques et réalisations[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre MOHEN : conservateur général du patrimoine, directeur de la rénovation du musée de l'Homme