MÉGALOPOLIS
Montée en puissance du Nord-Est et suburbanisation
L'importance prise par les États-Unis sur la scène internationale à partir de la Première Guerre mondiale et surtout après la Seconde participe largement au développement des villes de la mégalopolis. Non seulement Washington et New York s’affirment comme des centres politiques et financiers de première importance, mais l’ensemble de la région devient un centre industriel majeur, qui assure la transformation des ressources naturelles de l’arrière-pays, notamment le minerai de fer de Pennsylvanie et le charbon des Appalaches, ainsi que l’exportation des produits finis par ses ports. Alors intégrée dans la Manufacturing Belt (« ceinture des usines ») s’étendant jusqu’aux Grands Lacs, la mégalopolis offre un tissu industriel très diversifié, dans lequel toute la gamme des activités traditionnelles est représentée : textile, principalement en Nouvelle-Angleterre mais aussi à Philadelphie ; agroalimentaire, également en Nouvelle-Angleterre et à New York ; industries sidérurgiques, pétrolières et chimiques dans le sud, autour de Baltimore, Philadelphie et dans l’estuaire de la Delaware, ainsi qu’autour de New York ; mécanique, principalement à Boston et Philadelphie.
C’est pourtant la révolution des transports, et notamment des transports individuels avec la démocratisation de la voiture, qui va permettre à Jean Gottmann de voir se dessiner sur la carte des États-Unis la mégalopolis atlantique. Avec la voiture individuelle naît la ville tentaculaire : le rêve américain est désormais à portée de volant, et les populations quittent en masse le centre des agglomérations pour coloniser les territoires encerclant les villes, jusque-là demeurés ruraux. La suburbanisation est d'autant plus marquée ici que la maison individuelle avec jardin fait partie du rêve américain.
Dans les années 1950-1970, le white flight (littéralement l’« envol blanc »), qui concerne principalement les populations blanches les plus solvables, est très soutenu car la mécanisation des campagnes à travers le pays attire dans le centre des villes une population noire, dont la part ne cesse d'augmenter durant toute la seconde moitié du xxe siècle, entraînant la classique opposition entre centre noir et périphérie blanche commune à toutes les grandes cités américaines.
Désormais, les plus grandes villes de la côte nord-est étendent leurs banlieues sur une centaine de kilomètres, qui finissent par se rejoindre en un tissu urbanisé continu. Où s'arrête la banlieue de New York, où commence celle de Philadelphie ou encore celle de Washington ou de Baltimore ? Même le littoral du Connecticut qui ne compte pourtant pas de ville majeure tend à devenir un cordon d'urbanisation continu entre New York et l'ensemble Providence-Boston.
Cette suburbanisation à grande échelle se fait au détriment des zones maraîchères qui se déplacent vers les espaces ruraux compris entre les Appalaches et la côte. La déruralisation des campagnes, désormais au service des villes qu'elles atteignent très facilement grâce aux camions et à un maillage autoroutier très serré, participe à l'émergence de cette mégalopolis où tout l'espace est au service de l’urbain.
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Écrit par
- Laurent VERMEERSCH : docteur en géographie, université de Paris-IV-Sorbonne
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