Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

KLEIN MELANIE (1882-1960)

La psychanalyse kleinienne

Melanie Klein par Feliks Topolski - crédits : Feliks Topolski/ Hulton Archive/ Getty Images

Melanie Klein par Feliks Topolski

On peut voir dans la portée reconnue à cette découverte clinique le point de départ des remaniements que l'œuvre de Melanie Klein apportera progressivement à la théorie freudienne classique. Indiquons seulement les traits les plus marquants :

– Précocité du surmoi, classiquement défini depuis Freud comme l'« héritier du complexe d' Œdipe », alors que Melanie Klein le voit à l'œuvre dès les premiers mois comme instance interne destructrice. Ses modalités et ses contenus varient au cours des étapes successives du développement pulsionnel ; il reste « inaltérable dans son fond ».

– Précocité du conflit œdipien, dont la structure triangulaire peut être retrouvée bien avant que ne s'institue la phase génitale et que ne soient pris en considération des objets « totaux » : seuls sont en cause des objets « partiels » (sein, fèces, pénis), entre lesquels s'opère tout un jeu d'équivalences. Notons ici la position particulière qu'occupe Melanie Klein dans le débat psychanalytique quant à l'importance de la phase préœdipienne de relation duelle avec la mère : pour elle, sans qu'il y ait alors intervention du père comme agent d'interdiction, trois termes sont pourtant présents (enfant, corps maternel, pénis).

– Fonction centrale des objets pulsionnels ressentis comme « bons » ou « mauvais », non seulement dans la vie fantasmatique, mais aussi pour la constitution même du sujet. En effet, si les guillemets indiquent leur caractère fantasmatique – déformé par rapport à l'objet externe (le sein, par exemple) –, ils n'en sont pas moins traités comme s'ils offraient une consistance réelle quant au psychisme. L'objet, bon ou mauvais, est doté de pouvoirs semblables à ceux d'une personne (« mauvais sein persécuteur », « bon sein rassurant », lutte des bons et des mauvais objets à l'intérieur du corps, etc.).

– Dégagement de modalités précoces de relations d'objet, qualifiées non de stades d'organisation libidinale mais de positions : la position paranoïde et la position dépressive. Ces positions, que Melanie Klein situe dans les premiers mois de l'existence, ne se limitent pas à cette période ; elles se retrouvent ultérieurement dans les états psychotiques correspondants. Elles se caractérisent par des angoisses intenses (persécutrice : destruction par le mauvais objet ; dépressive : danger de détruire et de perdre la mère du fait de sa propre hostilité) et des modes de défense spécifiques. La position dépressive – le fait de la surmonter et d'abord de la vivre –, en tant qu'elle suppose l'instauration d'un objet total susceptible d'être introjecté, joue un rôle décisif dans la dialectique des bons et des mauvais objets, partant, dans le développement du moi.

– La théorie, progressivement dégagée, des positions paranoïde et dépressive fait apparaître la fonction de divers mécanismes de défense primaires, repérés particulièrement dans la psychose : clivage de l'objet, introjection, projection, déni de réalité, contrôle omnipotent de l'objet, réparation, etc. Melanie Klein a pu retrouver de tels mécanismes, hors de la vie émotionnelle de l'enfant et du psychotique, dans des états normaux (ainsi le rôle de la réparation dans le deuil et l'activité esthétique) et dans des processus sociaux.

– Le dualisme des pulsions libidinales et des pulsions agressives est sans cesse affirmé : il y a un « manichéisme » kleinien ; la pulsion de mort est reconnue à l'œuvre dès l'origine de l'existence humaine en tant qu'elle menace le sujet lui-même, induisant l'angoisse d'être désintégré et annihilé.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : agrégé de philosophie, membre titulaire de l'Association psychanalytique de France, directeur de la Nouvelle Revue de psychanalyse et de la collection Connaissance de l'inconscient aux éditions Gallimard

Classification

Média

Melanie Klein par Feliks Topolski - crédits : Feliks Topolski/ Hulton Archive/ Getty Images

Melanie Klein par Feliks Topolski

Autres références

  • ABRAHAM KARL (1877-1925)

    • Écrit par
    • 562 mots
    • 1 média

    Psychanalyste allemand, un des plus fidèles et des plus orthodoxes disciples de Freud. Né à Brême dans une famille juive hanséatique, Karl Abraham reçoit d'abord une formation médicale classique. C'est à Zurich, dans la clinique du Burghölzli, fondée par C. G. Jung, qu'il s'initie à la ...

  • AMBIVALENCE, psychanalyse

    • Écrit par
    • 1 182 mots
    • 1 média

    C'est le psychiatre suisse Eugen Bleuler (1857-1939) qui a introduit ce terme et en a fait le symptôme dominant dans le tableau de la schizophrénie. Il distingue tout d'abord l'ambivalence dans trois secteurs de la vie psychique : dans les modalités de la volonté, deux volontés qui s'opposent...

  • BION WILFRED R. (1897-1979)

    • Écrit par
    • 4 827 mots

    La figure de Bion, principal disciple de Melanie Klein, est celle d'un grand penseur du mouvement psychanalytique. Revenant à la source des premiers grands travaux de Sigmund Freud (1895, 1900, 1911), son principal mérite est d'avoir développé, selon l'ensemble de leurs conséquences et dans...

  • CLIVAGE DU SUJET (psychanalyse)

    • Écrit par
    • 1 322 mots
    C'est précisément sur l'idée que le clivage est à la source de la vie psychique normale ou pathologique que Melanie Klein va échafauder une théorie des rapports précoces du moi et de ses objets (La Psychanalyse des enfants, 1932). Selon elle, l'enfant naît avec un moi rudimentaire dont il est...
  • Afficher les 19 références