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MÉLODIE

La mélodie dans la musique occidentale

L'ère du plain-chant et du contrepoint modal

Ainsi, la mélodie est par essence un événement musical à l'état pur ; elle ne postule à son origine aucune association avec quelque complément sonore que ce soit. Elle nous apparaît telle dans le plain-chant médiéval, ou dans la musique traditionnelle de pays comme l'Inde, où, toutefois, elle se combine avec une pulsation rythmique confiée à des instruments de percussion et avec un son continu, destiné à maintenir dans le champ de la conscience la tonique du mode (à quoi se réfère chaque son de la mélodie pour revêtir sa pleine signification).

Cette liberté totale du dessin linéaire se trouve plus ou moins gravement perturbée dès que s'installe la pratique de faire entendre simultanément des lignes mélodiques dont chacune garde une relative indépendance, mais ne peut pas ne pas obéir à certains impératifs propres à la vie en société qui lui est imposée.

Dans les premiers temps, cet impératif est essentiellement que les lignes ainsi lancées dans l'espace et la durée se rejoignent périodiquement sur une consonance parfaite (unisson, octave, quinte ou quarte). C'est ce que nous trouvons au xiiie siècle dans les conduits de Léonin ou de Pérotin. Il est évident que la liberté des mélodies entendues simultanément y est déjà une liberté surveillée. Mais tout l'esprit de cette musique est dans l'individualité jalousement préservée des lignes dessinées qui la composent.

Déjà cependant la musique a deux axes, l'un horizontal, l'autre vertical, d'où va naître un nouvel élément constitutif du discours : l'harmonie. Dans la pré-Renaissance, chez un Josquin Des Prés, on peut considérer que l'affirmation de cet élément est un fait accompli. Mais si les rencontres harmoniques entre les parties ont déjà une plénitude qui satisfait l'oreille moderne, elles n'ont pour lui aucune fonction déterminante, elles n'imposent aucune règle au jeu contrapuntique qui les a provoquées. Rien de plus flexible que la mélodie de Josquin avec son legato soutenu et la succession naturelle de ses sons, conjoints ou faiblement écartés les uns des autres.

Au long du xvie siècle, il se produit peu à peu un renversement des situations respectives de la mélodie et de la polyphonie selon deux lignes de clivage : d'une part, morcellement de la ligne que les diverses parties se passent et se repassent, se chevauchant, se croisant dans un jeu d'une incomparable maîtrise mais dont le fil conducteur finit parfois par échapper ; d'autre part, tendance, toute contraire, à donner à la partie supérieure une valeur mélodique qu'elle tient moitié de sa propre plastique, moitié des agrégations – ou de ce qu'il faut désormais appeler des accords – de soutien.

On en vient ainsi tout naturellement un jour à une véritable mutation qui semble rétablir la mélodie dans toutes ses libertés en la faisant maîtresse absolue du discours, les autres parties étant réduites à un rôle d'accompagnement. Une grande partie de la musique de Monteverdi illustre ce renouveau.

Mais cette sorte de dissociation de la mélodie et de l'harmonie ne sera pas sans conséquences. Les musiciens se rendent compte en effet que, considérée en soi et non plus comme la résultante d'une polyphonie en mouvement, l'harmonie est un langage cohérent, formé d'éléments agissant les uns sur les autres et fortement hiérarchisée. Il sort de cette découverte progressive l'hégémonie du mode d'ut et la disparition des anciens modes. C'est tout un immense domaine qui se ferme à la musique pour des siècles.

La tonalité et l'hégémonie du mode d'ut

Dans l'affaire, la mélodie trouve bien, en principe, le champ libre, mais dans les limites étroites du mode d'ut. Et c'est[...]

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Écrit par

  • : compositeur de musique, ancien directeur de la musique et du programme national de la Radiodiffusion française

Classification

Média

Claude Debussy - crédits : Henri Manuel/ Hulton Archive/ Getty Images

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