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MÉMOIRE AUTOBIOGRAPHIQUE

Déterminants de la qualité des souvenirs

Pourquoi se souvient-on mieux de certains événements de vie plutôt que d’autres ? Plusieurs facteurs déterminent le niveau de détail et la vivacité des souvenirs. Certaines caractéristiques des événements que nous vivons, comme leur importance personnelle, leur valeur émotionnelle et leur caractère unique, influencent de manière significative la mémoire. Comme nous l’avons vu, une fonction importante de la mémoire autobiographique est de maintenir l’information nécessaire à la poursuite de nos buts personnels (fonction directive). Dès lors, les événements de vie qui sont liés à des buts importants sont enregistrés de manière privilégiée et restent plus facilement accessibles. Ces événements ont souvent une valeur émotionnelle particulière et de nombreuses études montrent que l’émotion facilite l’encodage et le maintien de l’information en mémoire. Le fait de repenser fréquemment à un événement ou de le raconter à autrui favorise également son maintien à long terme en mémoire. Ces différents facteurs sont souvent cooccurrents, ce qui renforce leur impact sur la mémoire : les souvenirs les plus vifs concernent des événements importants, chargés émotionnellement et fréquemment récupérés.

Les événements uniques ou inhabituels ont également tendance à être bien rappelés, alors que les événements routiniers deviennent rapidement difficiles à récupérer. Par exemple, si vous essayez de vous souvenir du petit déjeuner que vous avez pris ce matin, vous pourrez vraisemblablement le récupérer de manière assez détaillée mais, dans quelques jours, il vous sera très difficile de vous en souvenir comme d’un épisode distinct des autres petits déjeuners que vous prenez quotidiennement. Un autre déterminant important de l’accessibilité et de la qualité des souvenirs autobiographiques est leur ancienneté : toute chose étant égale par ailleurs, les souvenirs anciens ont tendance à être moins bien rappelés que les souvenirs récents. En effet, au cours du temps, les détails des événements ont tendance à s’affaiblir et les souvenirs deviennent plus schématiques. Enfin, certaines études montrent que la fréquence des souvenirs varie en fonction de la période de vie à laquelle ils se réfèrent : chez l’adulte, les souvenirs de l’adolescence et du début de l’âge adulte sont particulièrement nombreux (un phénomène connu sous le nom de pic de réminiscence), alors que les souvenirs de la petite enfance (jusqu’à tois ans) sont particulièrement rares (un phénomène connu sous le nom d’amnésie infantile). Bien que certaines formes de mémoire soient présentes dès la naissance, les recherches menées chez l’enfant montrent que les premiers souvenirs spécifiques apparaissent à l’âge de deux ans et que la mémoire autobiographique continue à se développer tout au long de l’enfance et de l’adolescence.

Même si certains souvenirs sont extrêmement détaillés et peuvent donner l’impression de revivre mentalement un événement, ils ne sont pas des enregistrements fidèles et complets du passé tels que le serait un enregistrement vidéo. Les théories de la mémoire autobiographique considèrent plutôt que les souvenirs sont des reconstructions du passé influencées par nos croyances, valeurs et connaissances. Les souvenirs autobiographiques sont donc partiels et peuvent parfois contenir des informations erronées, comme des réinterprétations a posteriori de l’événement ou l’ajout d’éléments qui ne se sont pas réellement produits. Selon certaines conceptions théoriques, le caractère constructif et malléable des souvenirs s’explique en partie par le fait que la fonction principale de la mémoire n’est pas simplement de reproduire fidèlement le passé mais plutôt de l’utiliser pour prévoir l’avenir. L’étude du rôle de la mémoire autobiographique dans l’imagination du futur est d’ailleurs l’une[...]

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Écrit par

  • : docteur en psychologie, chercheur qualifié au Fonds de la recherche scientifique de Belgique

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