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MÉMOIRE DE TRAVAIL

En psychologie, on appelle « mémoire de travail » le système dévolu au maintien temporaire d’information en vue de son traitement immédiat. Ce concept, introduit par George Miller en 1960, est issu de la révolution cognitiviste et de l’abandon du béhaviorisme pour une approche faisant de l’esprit un système de traitement de l’information. Dans cette perspective, la nécessité s’est fait rapidement sentir de concevoir un système susceptible de conserver présentes à l’esprit, pour un court laps de temps, les informations devant faire l’objet d’un traitement, par exemple, les résultats intermédiaires nécessaires au calcul de tête de 86 × 7. Dans une étude demeurée célèbre, Alan Baddeley et Graham Hitch (1974), deux psychologues anglais, montreront que la mémoire à court terme, telle qu’elle était conçue au milieu du xxe siècle ne pouvait tenir lieu de mémoire de travail comme système en charge du maintien et du traitement simultanés de l’information. De ces travaux princeps, Baddeley a dérivé le modèle dit « à composants multiples » de la mémoire de travail, sorte de modèle modal auquel on se réfère habituellement lorsqu’on évoque la « mémoire de travail » sans plus de précision. Toutefois, de nombreux modèles alternatifs ont été proposés, depuis les premières élaborations théoriques de Baddeley et Hitch jusqu’aux années 2010. Un aspect important des premiers modèles alternatifs, principalement ceux élaborés en Amérique du Nord, est d’avoir proposé des instruments de mesure de la capacité de cette mémoire de travail, mesures qui se sont révélées d’excellents prédicteurs de l’intelligence fluide (celle qui permet de s’adapter à des situations nouvelles) et de la réussite scolaire. Ces corrélations entre capacité de la mémoire de travail et fonctions cognitives de haut niveau ont renforcé la conviction des chercheurs que la mémoire de travail constitue le cœur du système cognitif. À ce titre, on a souvent suggéré que son développement jouait un rôle important dans le développement intellectuel, le déclin de ses capacités étant à l’inverse considéré comme une des causes du vieillissement cognitif. Bien que la capacité limitée de la mémoire de travail semble jouer un rôle essentiel dans le fonctionnement de l’esprit, les raisons de cette limitation demeurent incertaines, et de nombreux modèles contemporains s’opposent à ce sujet.

Le modèle à composants multiples de Baddeley et Hitch

S’étant rendu compte qu’il était possible de continuer à conduire des raisonnements verbaux sans erreur, alors que la mémoire à court terme était saturée par le maintien concurrent de huit chiffres, Baddeley et Hitch conclurent que la mémoire de travail différait de la mémoire à court terme et que les fonctions de stockage et de traitement de l’information qui la caractérisent devaient être assurées par des systèmes distincts et indépendants. Ils proposèrent ainsi que le maintien de l’information en mémoire de travail est supporté par une boucle phonologique, au sein de laquelle l’information verbale pourrait être maintenue par répétition subvocale, alors que les traitements (par exemple, la tâche de raisonnement) seraient contrôlés par un administrateur central (central executive). Cette dernière composante peut être comprise comme l’ensemble des fonctions exécutives qui, en contrôlant l’attention, permettent de sélectionner les informations pertinentes, de choisir les procédures à leur appliquer, de superviser cette application et d’en contrôler les résultats. Rapidement, la boucle phonologique s’est vu adjoindre son pendant pour le maintien de l’information visuo-spatiale (le calepin visuo-spatial). Ces registres mémoriels sont conçus dans le modèle de Baddeley comme des systèmes esclaves coordonnés par l’administrateur central. Le succès de ce modèle, probablement dû à sa simplicité[...]

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Écrit par

  • : professeur ordinaire, université de Genève (Suisse)
  • : professeure en psychologie du développement, directrice du laboratoire de développement cognitif du département de psychologie, université de Fribourg (Suisse)

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