MÉMOIRES, Cardinal de Retz Fiche de lecture
Les Mémoires de Jean-François Paul de Gondi, cardinal de Retz (1613-1679), furent publiées à titre posthume à Nancy, au début de la Régence, puis à Amsterdam. À cette époque, on s'interrogea sur leur authenticité tant ce texte, fort divertissant et très précis au demeurant, semblait commenter, en prenant pied sur la régence d'Anne d'Autriche et sur les événements de la Fronde, l'avènement d'une autre régence, celle de Philippe d'Orléans. Et si l'on finit par considérer que ce texte était bien du cardinal, qu'il avait été composé dans sa retraite de Commercy entre l'automne 1675 et le printemps 1677, et qu'enfin il avait été interrompu, comme au milieu d'une conversation, pour former un ouvrage en trois parties, on fut obligé de convenir de son actualité.
Un conspirateur-né
La première partie va de 1613 à 1643 : de la naissance de l'auteur à sa jeunesse, à son entrée dans la carrière ecclésiastique sur les ordres de son père et à sa participation aux premiers complots contre Richelieu. Le tableau qu'il fait, au milieu de son récit, de l'histoire de la France, le mène évidemment à censurer durement le passage à l'absolutisme qui s'opère alors. La deuxième partie raconte la Fronde, de son point de vue : la révolte de Paris qu'il est censé apaiser, la méfiance de la régente Anne d'Autriche et de Mazarin à son égard, les manœuvres qu'il opère au nom de l'intérêt général, les violences, les rébellions de 1648 (Fronde parlementaire) et de 1651-1652 (Fronde des princes), la victoire de Mazarin, l'arrestation du coadjuteur de Paris enfin devenu cardinal, son emprisonnement, son évasion, puis son exil (1654). La troisième partie commence à Rome, narre la mort d'Innocent X et l'avènement du cardinal Chigi grâce à l'intervention de Retz, ainsi que les tentatives du narrateur pour recouvrer son diocèse de Paris, avant de s'interrompre brutalement.
L'histoire se répète, ou bégaie, en tout cas elle enseigne : les calculs machiavéliques, le jeu des intérêts, particuliers et généraux, les plaisirs des manœuvres. Elle divertit et elle instruit, en s'expliquant par les aléas, les circonstances, les passions amoureuses et les grandes causes à soutenir. Enfin elle apparaît, dans ce récit post-frondeur et aristocratique, comme une conversation adressée à une narrataire, puisque Retz affirme entreprendre les Mémoires sur la demande d'une de ses amies dont les jeunes fils ont besoin de quelques conseils et réflexions pour mener à bien leur vie. S'il est très vraisemblable qu'il s'agissait ici de Mme de Sévigné, l'essentiel reste le statut de l'ouvrage : ni confession, ni grande histoire, ni roman, mais conversation adressée, aristocratique, vive, brillante, mêlant l'observation générale et la maxime au récit particulier, l'anecdote à la citation du Journal du Parlement, l'emprunt aux libelles à l'analyse politique, l'ensemble avec un ton tout en distance capable d'emporter l'adhésion du lecteur. Car celui-ci, dès l'abord, est de connivence. Il partage – ou est censé partager – les valeurs du narrataire, et faire de cette autobiographie un trésor d'avis et de situations nécessaire à l'établissement d'une vie aristocratique à venir, capable de se souvenir de l'héroïsme des temps passés, interrompus par la monarchie absolue, de constater la manière dont cette grandeur a été vaincue, d'y trouver des enseignements, enfin de prendre le recul nécessaire pour penser à nouveau le monde à partir d'une retraite désenchantée.
Inutile, en effet, de se draper dans une fausse gloire ou de revendiquer une modestie hypocrite ; inutile de céder à la mode des mémoires anecdotiques qui ne sont là que pour expliquer l'histoire[...]
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Écrit par
- Christian BIET : professeur d'histoire et d'esthétique du théâtre à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Autres références
-
FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIIe s.
- Écrit par Patrick DANDREY
- 7 270 mots
- 3 médias
Que cette dernière ait été à l’initiative des Mémoires du cardinal de Retz retiré des affaires et revivant par la médiation du récit à la première personne ses déboires politiques du temps de la Fronde, cela laisse imaginer quels liens existent entre ces genres périphériques que sont la correspondance,...