MÉMOIRES D'HADRIEN (M. Yourcenar) Fiche de lecture
Roman historique et roman philosophique
Les Mémoires d'Hadrien occupent dans l'histoire littéraire une place double. Le livre renouvelle le genre des mémoires et constitue également un roman historique. L'impression et la sensation immédiates en sont à peu près exclues, et tout échange verbal est définitivement banni, au profit d'une écriture qui mêle narration et méditation. La source principale du livre est « la vie d'Hadrien » qu'on trouve dans l'Histoire Auguste (recueil de biographies des empereurs romains rédigé au ive siècle). Mais d'autres, moins directes, transparaissent également, telles les Annales de Tacite ou les Lettres à Lucilius de Sénèque, toutes deux composées au ier siècle.
La réflexion sur le temps est primordiale : Hadrien fait à travers chaque instant l'expérience du divin, de l'harmonie universelle : « le sacrifice d'une nuit », « la nuit syrienne » représente sa part consciente d'immortalité. L'acquisition de la sagesse est aussi l'un des buts de l'empereur qui y accède par la construction de soi, « la plus difficile et la plus dangereuse », l'observation des hommes, et le commerce des livres.
La recherche de l'amour s'avère également indissociable d'une recherche mystique. Hadrien ne proclame-t-il pas qu'il y a toujours dans l'amour une forme d'initiation, le point de rencontre du secret et du sacré ?
Enfin, la mort, liée au temps qui passe, est omniprésente et ne peut être acceptée qu'à force de sagesse. La mort de son grand-père affecte Hadrien pendant son enfance, ainsi que le suicide de son favori, Antinoüs, aimé pendant sept ans ; ces deuils revêtent dans le roman une place capitale et permettent à l'empereur de forger sa propre conception de la mort. Marguerite Yourcenar loue l'attitude stoïcienne de ses personnages, l'héroïque discipline d'Hadrien, récitant ses propres vers lors de ses derniers instants, ou celle du philosophe Zénon qui meurt en contemplant un paysage admirable. À chaque fois, la sérénité de la mort est fondée sur l'accomplissement de l'être, et l'acceptation de soi.
Un autre point mérite d'être souligné, qui prend sens dans le contexte de l'après-guerre, à savoir la grande réticence de l'auteur vis-à-vis de toute marque de personnalisation de pouvoir politique, et son extrême défiance vis-à-vis de la parole et de son rôle démagogique.
Mais, avant tout, l'idée dominante reste celle d'une quête impossible qui permettrait d'appréhender totalement le divin. Hadrien n'affirme-t-il pas l'impossibilité « d'enfermer la vérité tout entière dans les limites étroites d'une seule conception divine, insultant ainsi à la multiplicité du Dieu qui contient tout » ?
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Écrit par
- Florence BRAUNSTEIN : professeur en classes préparatoires économiques et scientifiques
Classification
Média