MÉMOIRES D'UNE JEUNE FILLE RANGÉE, Simone de Beauvoir Fiche de lecture
Lorsque paraît chez Gallimard en 1958 Mémoires d'une jeune fille rangée,Simone de Beauvoir (1908-1986) est une figure centrale de la vie intellectuelle française : ses romans (dont Les Mandarins, prix Goncourt 1954), ses essais (Le Deuxième Sexe, 1949), son engagement politique à travers la revue Les Temps modernes, le couple qu'elle forme avec Jean-Paul Sartre l'ont rendue célèbre au-delà même des frontières nationales. À tout juste cinquante ans, elle ouvre ici un cycle autobiographique qui se poursuivra avec La Force de l'âge (1960) et La Force des choses (1963), triptyque auquel on peut ajouter Une mort très douce (1964), Tout compte fait (1972) et La Cérémonie des adieux (1981). Le livre connaît un grand succès public tout en suscitant un certain étonnement devant cet autoportrait en « jeune fille rangée », assez éloigné de l'image sulfureuse voire scandaleuse de l'auteure des Mandarins et du Deuxième Sexe.
« Je n'étais pas vouée à un destin de ménagère »
L'auteure raconte ici ses vingt-et-une premières années, depuis sa naissance jusqu'à sa rencontre avec Jean-Paul Sartre et sa réussite à l'agrégation de philosophie. Le livre est divisé en quatre parties qui se succèdent selon une stricte chronologie, chacune coïncidant plus ou moins avec un cycle d'études.
La première partie évoque l'enfance jusqu'à la puberté. Née à Paris au sein d'une famille bourgeoise catholique et conservatrice dont elle devient vite le centre, Simone vit ses premières années comme une période idyllique, malgré des crises furieuses mises sur le compte d'une « vitalité fougueuse ». La naissance de sa sœur Hélène, dite Poupette, ne vient pas détruire ce paradis : très vite, une complicité naît entre elles, qui se renforcera au fil du temps. À cinq ans et demi, Simone entre au cours Désir, une école privée religieuse où elle se découvre un goût pour les études qui ne se démentira plus. La guerre de 1914-1918 provoquera une double rupture : elle contribuera à la ruine du père et au déclassement de la famille, et sa fin coïncidera avec celle de la petite enfance et de l'adhésion sans réserve à son milieu (« Pendant plusieurs années, je me fis le docile reflet de mes parents »). Ces années de guerre sont aussi marquées par la découverte passionnée de la lecture. Elles s'achèvent avec la rencontre, décisive, d'une camarade de classe, Élizabeth Mabille (Élizabeth Lacoin de son vrai nom), surnommée Zaza.
Dans la deuxième partie, qui correspond à la pré-adolescence et à l'adolescence, s'opère une progressive émancipation vis-à-vis de l'éducation reçue. Devenu acariâtre et de plus en plus réactionnaire, le père supporte mal les changements de sa fille liés à la puberté. Avec la mère, la rupture est encore plus brutale. Elle est essentiellement due à la perte de la foi, étape fondamentale vers l'émancipation intellectuelle et idéologique. La lecture de livres « interdits », l'influence de Zaza, la prise de conscience de l'étroitesse d'esprit des enseignants du cours Désir, la découverte – ambivalente – de la sexualité, tout cela contribue à un bouleversement vécu difficilement. Peu à peu, néanmoins, les contradictions internes tendent à se résorber, avec la prise de conscience de la vocation intellectuelle, que vient confirmer et incarner, l'année du baccalauréat, la découverte passionnée de la philosophie.
La troisième partie raconte les années universitaires. Tandis qu'une certaine distance s'instaure avec Zaza, deux autres figures « tutélaires » viennent prendre la relève : Jacques, le cousin de Simone et son aîné de quelques années, avec qui elle entretient une relation complexe d'amour-amitié-admiration ; et Garric, son professeur de littérature, « catholique social » qu'elle[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Guy BELZANE : professeur agrégé de lettres
Classification
Autres références
-
BEAUVOIR SIMONE DE (1908-1986)
- Écrit par Éliane LECARME-TABONE
- 2 814 mots
- 2 médias
...aussi au désir de sauver le passé, se poursuit avec des modalités diverses presque jusqu'à la fin de la vie de Simone de Beauvoir : au socle dur constitué par les Mémoires d'une jeune fille rangée (1958), La Force de l'âge (1960) et La Force des choses (1963) s'ajoute, à titre de complément plus...