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MÉMOIRES, Philippe de Commynes Fiche de lecture

Un art de gouverner

Pragmatique plus que moraliste, Commynes entend persuader son lecteur que le sort des États dépend en grande partie – Dieu restant le seul maître – de la sagesse des gouvernants. Mais celle-ci doit désormais être comprise au sens de pratique des affaires, d'habileté politique, de recherche du profit et de l'utilité plutôt que de la vaine gloire ; nouvelles vertus qui doivent inciter le bon prince soucieux du bien public à préférer la diplomatie et toutes autres formes de négociation à l'incertitude des guerres et aux aléas de Fortune ; un choix qu'incarne exemplairement Louis XI, le maître et le modèle que Commynes s'est choisi.

La dynamique propre de l'œuvre, le principe qui structure et récupère la dispersion du réel, tient finalement au va-et-vient qu'elle pratique entre le particulier et le général. Les chapitres les plus intéressants tirent des faits rapportés réflexions et commentaires qui élaborent peu à peu un art de bien gouverner adapté au monde tel qu'il est, et non tel qu'il devrait être. La défense et illustration du rôle du bon conseiller, indispensable intermédiaire entre les différentes instances de pouvoir, a l'insistance d'un plaidoyer pro domo. Mais le lecteur est plus encore sollicité par le pessimisme d'une pensée de l'histoire, obsédée par l'instabilité des choses, la précarité de tout pouvoir mondain, et le très difficile exercice du métier de roi : les pages célèbres consacrées à la fin de Louis XI (livres VI, X et XI) s'achèvent significativement sur le très sombre tableau de la misérable condition des princes de son temps.

— Emmanuèle BAUMGARTNER

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Écrit par

  • : professeure de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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