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MÉMOIRES POSTHUMES DE BRÁS CUBAS, Joaquim Maria Machado de Assis Fiche de lecture

Entre raison et folie

La partie proprement romanesque du récit ne commence qu'au chapitre x. La thématique amoureuse occupe le centre de l'intrigue et permet au récit, d'une part d'affronter la conception romantique de l'amour, de l'autre de démasquer la structure sociale à partir de la critique de ses principaux supports, la famille et le mariage. Les aventures amoureuses du personnage sont toutes vouées à l'échec : Marcella, l'amour de son adolescence, n'est qu'une danseuse frivole et ambitieuse ; la bâtarde et boiteuse Eugenia est peut-être la seule qui l'ait aimé d'un vrai amour, mais il va l'abandonner pour la riche Virgilia ; Virgilia, ex-fiancée et future maîtresse, qui occupe une place centrale dans sa vie, finit par préférer le prestige social à son amour ; finalement, Nhã-lolo, dont la jeunesse aurait pu apporter un peu de fraîcheur à son âge mûr, meurt avant le mariage.

La partie finale de l'œuvre est marquée par la mort ou la décadence des personnages, par l'isolement et le déséquilibre qui frappent Brás Cubas. La tension entre raison et folie apparaît plus marquée à partir de l'adhésion de Brás Cubas à « l'Humanitisme de Quincas Borba », métaphore parodique de la philosophie positiviste d'Auguste Comte. La lucidité folle de Quincas Borba et sa philosophie de l'Humanitisme constituent un point de passage entre Mémoires posthumes de Brás Cubas et Quincas Borba (1891), roman de Machado de Assis où le mendiant philosophe deviendra le personnage principal.

Les titres du premier et du dernier chapitres (« Décès de l'auteur » et « Négatives ») placent le livre sous le signe de la négativité. Le récit arrive à sa fin avec cette constatation du narrateur : « je n'ai pas eu d'enfants, je n'ai transmis à aucune créature le legs de notre misère ».

Mémoires posthumes de Brás Cubas appartient à la lignée des récits qui n'hésitent pas à mettre en avant de façon systématique la conscience critique du processus de construction de l'œuvre. Le narrateur conscient se montre ainsi comme le maître absolu de toutes les stratégies d'élaboration du récit. Cette toute-puissance ne souligne que davantage l'échec du personnage, à travers la mise en scène des tensions entre fiction et réalité qui ne cessent de renvoyer à une interrogation sur la condition humaine.

— Rita OLIVIERI-GODET

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Écrit par

  • : maître de conférences, département d'études des pays de langue portugaise, Université de Paris-VIII

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