PRESSLER MENAHEM (1923-2023)

Menahem Pressler naît le 16 décembre 1923 à Magdebourg (Allemagne) dans ce qui était à l’époque la République de Weimar. Il commence à apprendre le violon, puis se tourne vers le piano. À la suite des violences antisémites qui ont marqué la Nuit de cristal, le 9 novembre 1938, son père, négociant en tissus, décide de fuir le régime nazi avec femme et enfants et se réfugie l’année suivante en Palestine, alors sous mandat britannique. Tous les autres membres de sa famille, restés sur place, seront exterminés à Auschwitz. À Tel-Aviv, le jeune Menahem suit les cours du pianiste Eliahu Rudiakov. Il travaille aussi avec une figure marquante du Berlin effervescent des années 1920, Leo Kestenberg, qui avait étudié avec Busoni et dirigeait l’orchestre de Bronislav Huberman, la première mouture du futur Orchestre philharmonique d’Israël. Après avoir émigré aux États-Unis, Menahem Pressler poursuit sa formation en Californie auprès d’Egon Petri. Il se perfectionne également sous la houlette d’Eduard Steuermann. Ce dernier avait été à la fois élève de Busoni et de Schönberg ; proche d’Alban Berg, il était également le dédicataire des Variations op. 27 de Webern.

En 1946, Menahem Pressler remporte le 1^er prix du concours Debussy de San Francisco, ce qui lui permet de faire ses débuts quelques mois plus tard au Carnegie Hall de New York sous la baguette d’Eugene Ormandy, dans le concerto pour piano de Schumann. Il commence à se produire en Amérique du Nord, en Europe, et grave pour les labels MGM et Concert Hall ses premiers disques en solo (Schumann, Prokofiev, Chostakovitch, Bloch, Milhaud). C’est en 1954 qu’il fonde le Beaux Arts Trio, une formation à laquelle il va consacrer l’essentiel de sa vie musicale. Il y rassemble ses premiers partenaires : le violoniste français Daniel Guilet, ancien membre du célèbre Quatuor Calvet, et Bernard Greenhouse, violoncelliste américain qui avait été formé par Emanuel Feuermann et Pablo Casals. Cet ensemble, qui devait être éphémère, donne sa première prestation à Tanglewood en 1955 et va se produire dans le monde entier pendant plus de cinquante ans (on dénombre près de 6 000 concerts). Vont se succéder, au violon, Daniel Guilet (1955-1968), Isidore Cohen issu du Quatuor Juilliard (1968-1992), Ida Kavafian (1992-1998), Young Uck Kim (1998-2001), Daniel Hope (2002-2008) et, au violoncelle, Bernard Greenhouse (1955-1987), Peter Wiley (1987-1998), Antonio Meneses (1998-2008). Au clavier, celui qui en est l’animateur permanent montre un jeu à la fois humble et enthousiaste, une remarquable fraîcheur d’inspiration et une exceptionnelle maîtrise des sonorités. De longs compagnonnages favorisent une écoute réciproque, un jeu collectif et une complicité musicale d’une intensité rarement égalée. Le Beaux Arts Trio va parcourir la quasi-totalité du répertoire existant, de Haydn à Chostakovitch. Sa vaste discographie chez Philips compte deux cycles complets des partitions signées pour cette formation par Mozart, Beethoven, Schubert et Brahms, ainsi qu’une intégrale des 43 trios écrits par Haydn qui reste une référence. Y figurent également des œuvres peu fréquentées comme celles écrites par Hummel, Granados, Turina, Rieti, Ives, Arenski, Korngold ou Zemlinsky. Le Trio sera également l’interprète de plusieurs créations : Trio n^o 2 de Robert Casadesus qui lui est dédié (1956), Roots de David Nathaniel Baker (1976), Summer, 1990 de George Rochberg (1990), Spring Music de Ned Rorem (1991), le Quatuor pour clarinette, piano, violon et violoncelle de William Bolcom (1996) et le Trio n^o 3 de Maurizio Kagel (2007).

L’année 2008 marque la dissolution de l’ensemble. Elle voit aussi le premier retour de Menahem Pressler en Allemagne depuis 1938. Celui-ci n’abandonne nullement les activités professorales qu’il poursuit depuis 1955 à l’université d’Indiana à Bloomington (États-Unis), mais il[...]