MENCHEVISME
Divisions des mencheviks
La réaction stolypinienne qui s'instaura après l'échec de la révolution de 1905 devait produire un nouveau clivage dans les rangs des mencheviks, qualifiés uniformément de « liquidateurs » par l'historiographie soviétique, tandis que leurs adversaires de l'époque opéraient encore la distinction entre les courants à l'intérieur et à l'extérieur de la Russie. À l'intérieur, les militants mencheviks refusant de participer aux actions des organisations clandestines animées par les bolcheviks préféraient agir au sein des organisations légales où ils n'étaient pas néanmoins à l'abri de toute poursuite. Appelés aussi « légalistes », ils étaient dirigés par Potresov, Levickij (le frère de Martov), Čerevanin et Larin, et disposaient de plusieurs organes : Vozroždenie à Moscou, Naša Zarja et Delo Žizni à Saint-Pétersbourg. De leur côté, les mencheviks de l'extérieur, autour de Martov, Dan et Martynov, qui publiaient le journal Golos Socialdemokrata, subissaient depuis 1905 une évolution qui les rapprochait de plus en plus du modèle occidental et de l'« orthodoxie » du marxisme de la IIe Internationale, celle de Karl Kautsky. C'est ainsi qu'ils s'aliénèrent progressivement les sympathies de la gauche dans l'Internationale et plus particulièrement celle de Rosa Luxemburg. Héritiers d'une autre forme de centralisme, celle du parti allemand, ils insistaient pour que les activités légales ou semi-légales fussent soumises au contrôle d'un parti cadre clandestin.
Le groupe des « mencheviks du parti » animé depuis 1908 par Plekhanov se rapprocha des bolcheviks contre les « liquidateurs ». Quant au groupe de la Pravda, journal publié à Vienne par Trotski, il occupait une position intermédiaire entre bolchevisme et menchevisme sans toutefois collaborer avec eux.
La dernière tentative d'unification eut lieu à Paris, en janvier-février 1910, au cours d'une assemblée plénière du comité central. Deux ans plus tard, ce fut la rupture définitive. Tandis que les bolcheviks se proclamaient un parti séparé à la conférence de Prague en janvier 1912, les mencheviks ripostaient par la constitution du « bloc d'août » – ainsi nommé à cause des dates de la conférence qui les réunit à Vienne – et nommaient un comité d'organisation qui demeurera en activité jusqu'en 1917. Conformément au mandat qu'il avait reçu, ce comité se fit le champion de l'unité, protestant auprès de l'Internationale pour qu'elle condamnât les « scissionnistes » et les contraignît à s'aligner. Mais les tentatives d'unification entreprises sous l'égide de l'Internationale échouèrent. Dès lors, les mencheviks, qui admettent dans leurs rangs les divergences d'opinion, perdent encore de leur influence, et les bolcheviks s'insèrent progressivement dans les organisations légales et semi-légales qui avaient été le fief des mencheviks.
Comme dans tous les partis socialistes des pays – belligérants ou non –, la guerre marque un nouveau clivage. La tendance Naša Zarja, ou « auto-défensiste », estime nécessaire de défendre la Russie contre l'impérialisme allemand. Elle soutient les sections ouvrières de la commission des industries de guerre. Dans l'émigration, les partisans de l'union sacrée et de la défense nationale se regroupent autour de Plekhanov et de sa publication Edinstvo (L'Unité) ; à la IVe Douma, le comité d'organisation garde le contrôle du groupe parlementaire social-démocrate qui s'abstient de voter pour les crédits de guerre. Les mencheviks internationalistes autour de Martov et de Martynov et favorables à la paix participent au mouvement de Zimmerwald (Suisse) et à la convocation en 1917 de la Conférence socialiste de la paix à Stockholm.[...]
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Écrit par
- Georges HAUPT : sous-directeur d'études à l'École pratique des hautes études
Classification
Média
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