Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ÉGÉE MER

Article modifié le

Grèce : carte physique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Grèce : carte physique

Mer intérieure presque fermée dans le bassin oriental de la Méditerranée, la mer Égée retrouve, au début du xxie siècle, malgré la division et parfois l'affrontement politique entre la Grèce et la Turquie, l'unité rompue qui existait entre les deux rives de l'hellénisme depuis l'époque classique (ve siècle av. J.-C.). Certes, la maîtrise de l'espace aérien égéen, l'exploitation d'hypothétiques ressources en hydrocarbures dans les fonds sous-marins, et surtout la division anachronique de Chypre depuis la provocation de la dictature militaire grecque et l'invasion turque de l'été de 1974, maintiennent un climat de tension latente entre Athènes et Ankara. Mais le développement des échanges, notamment touristiques, l'ouverture diplomatique encouragée chez ces deux alliés des États-Unis dans une période de conflits au Moyen-Orient, et même la solidarité populaire se manifestant pendant les épisodes sismiques qui ont frappé quasi simultanément les deux pays en 1999 (Athènes et mer de Marmara), ont rapproché les voisins antagonistes et multiplié les liaisons maritimes et aériennes. L'Égée n'en demeure pas moins un espace sensible, sur lequel veille jalousement la 6e flotte américaine, avec ses points d'appui terrestres (Izmir, la Crète). Pourtant, sans même évoquer les origines de la pensée grecque, d'Halicarnasse à Milet, ou suivre les vestiges de l'Antiquité, d'Éphèse à Pergame, l'Histoire n'a cessé de tisser des liens entre l'Orient et l'Occident à travers les eaux de l'Égée. Ils n'ont pas tous disparu dans l'organisation de l'espace et dans la répartition des communautés humaines. Les villes des grandes îles de l'Égée orientale sont tournées vers la côte turque, dont les séparent de simples bras de mer (Mytilène, Chios, Samos, Kos ou Rhodes), alors qu'il faut au mieux une nuit de bateau pour les relier au Pirée. Et les minorités, turques en Grèce, grecques en Turquie, témoignent encore de ces mixités d'ethnies et de civilisations qui survivent aux volontés politiques les mieux affirmées : musulmans en Thrace grecque, exclus de l'échange forcé des populations prévu par le traité de Lausanne de 1922, Grecs dans les îles turques d'Imbros et Ténédos, qui veillent sur l'entrée des Dardanelles, quelques restes de communautés turques dans deux îles du Dodécanèse, cédé en 1947 par l'Italie à la Grèce (Rhodes et Kos).

Les balancements de l'histoire : le continent ou la mer

Dans cette unité perdue, fracturée par une ligne beaucoup moins imperméable que la haine entretenue par les intérêts des grandes puissances et les pouvoirs nationaux en place, le temps paraît souvent avoir hésité entre la mer et la terre. C'est paradoxalement la mer, malgré son hostilité et ses tempêtes subites, qui a été le lieu de liberté et d'échange. Le premier emporium méditerranéen s'établit à l'époque classique à Délos, petit îlot désolé, battu par les vents étésiens au cœur des Cyclades. Plus de deux millénaires après, à l'aube de la Grèce contemporaine renaissant de l'occupation turque, c'est Syra-Ermoupolis, peuplée par les rescapés des massacres de Chios, qui devient le premier centre économique du pays, commerçant avec l'Angleterre et la Russie méridionale. Espace d'ouverture, la mer a aussi une vertu de refuge face au continent, où règne l'envahisseur étranger. Les longues péninsules montagneuses qui s'effilent dans l'Égée ont longtemps abrité les spiritualités menacées : l'Athos, à l'extrémité orientale de la Chalcidique, siège d'un État monastique original, encore uniquement accessible par bateau, où les restes de la règle orthodoxe survivent à neuf siècles de gloire et à quelques décennies de déchristianisation ; le Pilion, à l'est de la plaine thessalienne, où les bourgs, perchés dans les oliviers, cachaient, au xviiie siècle, les premières « universités » libres de la Grèce, alors sous le joug ottoman. Et l'Église latine des Cyclades perpétue à Syra et à Tinos l'influence vénitienne et la présence du catholicisme romain, malgré l'assimilation linguistique et culturelle. Seule l'Eubée, pratiquement soudée au continent au niveau du détroit de Chalkis, a massivement échappé à ces tropismes de la mer.

Église, île de Santorin, Grèce - crédits : Anastasios71/ Shutterstock

Église, île de Santorin, Grèce

Ils sont de toute façon effacés aujourd'hui par l'influence prépondérante qu'a prise dans l'économie et la démographie une capitale continentale : Athènes. Avec sa population atteignant presque 4 millions d'habitants au recensement de 2001, sa centralisation de tous les rouages de la vie administrative et économique nationale, Athènes organise et domine tout le monde égéen, au moins grec, non seulement les îles (506 000 hab. au recensement de 2001 dans les îles égéennes proprement dites : Cyclades, Mytilène, Chios, Samos et Dodécanèse, 601 000 en Crète), mais aussi les façades maritimes plus lointaines (Thessalie, Macédoine et Thrace). Cette emprise commence dès le xixe siècle par le peuplement cycladien dans la capitale nouvellement recréée : un des premiers quartiers, au pied de l'Acropole, accueille des groupes venus d'Anaphi (Anaphiotika), et Le Pirée est aujourd'hui sans conteste la première ville égéenne grecque. Toutes les lignes maritimes intérieures convergent vers le grand port de la Grèce du Sud. Seul lui échappe le trafic beaucoup plus réduit avec les îles les plus septentrionales : Samothrace est tournée vers Alexandroupolis, en Thrace, Thasos vers Kavala, en Macédoine, et les Sporades du Nord (Skiathos, Skopélos) vers Volos. Mais l'ouverture et le développement d'un réseau aérien intérieur a renforcé les liaisons privilégiées entre la capitale et les grandes îles de l'Égée (Lemnos, Mytilène, Chios, Rhodes, la Crète) ou même les foyers touristiques les plus importants (Mikonos, Santorin).

Accédez à l'intégralité de nos articles

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense

Classification

Médias

Grèce : carte physique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Grèce : carte physique

Église, île de Santorin, Grèce - crédits : Anastasios71/ Shutterstock

Église, île de Santorin, Grèce

Île d'Hydra, Grèce - crédits : George Grigoriou/ The Image Bank/ Getty Images

Île d'Hydra, Grèce

Autres références

  • CHIOS

    • Écrit par
    • 1 117 mots
    • 1 média

    Avec une superficie de 858 km2, Chios (Scio ou Chio, depuis le Moyen Âge), séparée de la côte turque par un détroit de 7 kilomètres, est la cinquième île de la mer Égée. Montagneuse au nord (1 297 m) et vallonnée au sud, elle présente dans sa partie centrale une plaine très fertile (Cambos)...

  • CRÈTE

    • Écrit par
    • 485 mots
    • 1 média

    La plus grande île de Grèce (8 331 km2, 258 km de longueur sur 56 km de largeur), la Crète s'étend d'ouest en est aux confins méridionaux du monde égéen. Les chaînes montagneuses qui couvrent la plus grande partie de l'île (mont Ida 2 456 m, Levka Ori 2 453 m), de direction...

  • CYCLADES

    • Écrit par
    • 468 mots
    • 2 médias

    L'archipel des Cyclades occupe le centre de la mer Égée. Résultat d'une série de fractures et de transgressions marines intervenues à la fin de l'ère tertiaire, les blocs émoussés de marbres et de schistes de ses îles ensoleillées, sèches et dénudées, prolongent les arcs orographiques de l'...

  • DINARIDES

    • Écrit par
    • 5 729 mots
    • 1 média
    – Le bassin de la mer Égée comporte des fleuves de moindre importance comme le Vardar ou Axios, la Vistritsa ou Haliakmon en Macédoine, le Pénée en Thessalie.
  • Afficher les 22 références

Voir aussi