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MERCANTILISME

La politique économique des mercantilistes

L'État ou les marchands ?

Pour la plupart des analystes, l'État représentait l'intérêt général, la justice, l'efficacité, tandis que les marchés ordinaires étaient le lieu d'expression et d'affrontement des intérêts particuliers. Faire confiance aux initiatives privées impliquait que des créances ne seraient pas honorées, que des produits défectueux seraient vendus aux consommateurs, que des prix exorbitants leur seraient imposés.

Le monopole de commerce ou de production apparaissait au contraire comme bénéfique, parce que décidé par l'État et relativement simple à contrôler par lui. Accorder par exemple un privilège à une compagnie de commerce international évitait qu'une multitude de marchands agissent à l'étranger contre les intérêts nationaux. De plus, dans les contrées lointaines, les marchandises et les marchands devaient être effectivement protégés par des fortifications coûteuses. Il était donc rationnel de ne pas multiplier ces travaux et de les confier à une seule compagnie.

C'est pourquoi les mercantilistes anglais sollicitent l'appui de l'État dans les affaires internationales et la permission de les mener ensuite aussi librement que possible. Dans ces affaires, Law explique en 1705 « que le négociant ne peut pas gagner où la nation perd ». Les auteurs français en sont moins sûrs, ils comptent davantage sur l'État pour moderniser la nation et imposer des règles strictes aux intérêts particuliers.

Tous justifient l'État de façon exclusivement rationnelle. Les mercantilistes ne lui demandent pas de chasser les infidèles ou de reconstituer l'Empire romain. Ils sont plutôt occupés à vaincre toutes sortes d'archaïsmes, restes de l'époque féodale ou de temps plus anciens encore. Ils sont du côté du souverain contre les concessions octroyées jadis à certaines villes, les exemptions fiscales injustifiées, les péages intérieurs abusifs, les privilèges des Églises et leurs façons de gérer la charité. Ils veulent donner à cet État les moyens financiers, monétaires et fiscaux qui lui manquent pour mener la moindre politique autonome ; ils cherchent à rationaliser et à unifier la justice. Dans leurs luttes politiques, les mercantilistes se situent ainsi dans le camp des modernisateurs.

S'agissant du luxe, certains adoptent l'analyse la plus opposée à celle de la pensée chrétienne traditionnelle. Le luxe serait ainsi une bonne chose, certes pas en tant que tel, mais pour le travail qu'il fournit aux plus pauvres, alors que la « parcimonie » ne contribuerait pas à la création des richesses.

Les premiers économistes étonnent souvent par la brutalité de leurs propositions, dès lors que celles-ci sont argumentées de façon rationnelle. Un auteur comme Petty se demande en 1687 si, pour arranger les affaires de l'Angleterre, il ne serait pas opportun de déporter des Écossais en Irlande, des Irlandais en Angleterre et quelques Anglais en Irlande. Le tout concernerait quelques millions de personnes, avec autant de gains et de pertes qu'on s'apprête à évaluer sereinement.

Jean Melon, un mercantiliste français, déplore en 1734 qu'on ne parvienne pas à utiliser plus rationnellement les condamnés à mort, d'où cette idée d'en faire des sujets d'expériences scientifiques : « La médecine, dans ses recherches anatomiques, a besoin d'exemples vivants ; il resterait au condamné l'espérance de survivre à l'opération, et il mériterait sa grâce par des souffrances utiles à sa patrie. » Il faut aussi développer l'esclavage dans les colonies, pour des raisons strictement économiques, tout simplement parce que ce système s'avère moins coûteux que celui de la liberté.

Une politique tournée vers la puissance

La puissance politique ou[...]

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Écrit par

  • : professeur de sciences économiques à l'université de Paris-IX-Dauphine

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