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CUNNINGHAM MERCE (1919-2009)

À la pointe des nouvelles technologies

Évoluant avec le siècle, Merce Cunningham est aussi l'un des premiers à avoir vraiment entamé des recherches sur la danse et l'image avec la vidéo, ne se contentant pas de simples appositions, mais s'efforçant à chaque fois d'ouvrir un nouvel espace et un nouveau point de vue pour le spectateur. Il reprend, muni d'une petite caméra, les interrogations qui ont présidé à ses trouvailles. Il remarque que l'œil de la caméra se substitue à celui du spectateur et se trouve confronté à un espace à deux dimensions. Par contre, l'utilisation de plusieurs caméras permet de multiplier les points de vue, contrairement à ce qu'il est possible de voir dans une salle. Cunningham se saisit ainsi des techniques de l'image pour multiplier les angles de vue et démultiplier l'espace de la danse. Ses collaborations avec des réalisateurs attitrés sont très fructueuses. Avec Charles Atlas (de 1973 à 1983, dans un premier temps), il crée des œuvres spécifiquement télévisuelles comme Blue Studio (1975), fondée sur des incrustations (une technique qui consiste à évider une forme dans une première image et à la remplir par une seconde) et des changements d'angle de prise de vue, ou encore Channel/Inserts (1981), où la version filmée crée l'illusion de deux films projetés en même temps, que le spectateur doit monter lui-même. De 1985 à 1991, il collabore ensuite avec Elliott Caplan, réalisant notamment Beach Birds for Camera (1991), une œuvre majeure qui lui permet de dépasser les limites du théâtre. Il travaille de nouveau avec Charles Atlas pour Wiews for video (2005) et Wiews on Stage (2005), deux parties d'une création complexe qui, conçue pour l'image et la scène, suggère une algèbre volée à la caméra et ses mouvements de ralenti, d'accélérés ou de review.

À partir des années 1990, Merce Cunningham s'empare de l'ordinateur. Il invente un logiciel de chorégraphie assistée par l'ordinateur qu'il nomme Life Forms, puis Dance Forms, et qu'il utilise, depuis la création de Trackers en 1991, pour toutes ses pièces. Il travaille alors en entrant un mouvement ou un exercice dans l'ordinateur. Le logiciel propose ensuite des variantes qui modifient le temps d'exécution, les combinaisons, les enchaînements... Cunningham avoue s'en servir pour évaluer les conditions de possibilité qu'offre un mouvement. Allant toujours plus loin dans la rencontre avec les nouvelles technologies, il commence à travailler en 1997, avec Paul Kaiser et Shelley Eshkar, sur la motion capture, c'est-à-dire la saisie du mouvement par des capteurs installés sur le corps des danseurs afin de les renvoyer dans un univers virtuel où les mouvements de ces personnages seront modifiés par ordinateur. C'est cette technique qui est utilisée, par exemple, pour fabriquer les films en 3D. Cela aboutira à la création de Biped, en 1999, première pièce à mêler danseurs réels et virtuels sur la scène.

Merce Cunningham a révolutionné la danse et l'idée même de la chorégraphie. Il a propulsé l'art chorégraphique dans la modernité, le remettant au niveau des autres disciplines artistiques pour lesquelles les recherches étaient alors plus avancées. En France, son influence est capitale, la plupart des chorégraphes de la « nouvelle danse » française des années 1980 ayant étudié à la Merce Cunningham School à New York. Il a reçu de nombreux prix et distinctions tout au long de sa carrière, dont la Guggenheim Fellowship dès 1954, et, surtout, le « Jour de Merce Cunningham », jour de fête créé par le maire de New York en 1994, le 16 avril, anniversaire du chorégraphe, et qui se célèbre depuis chaque année.

Merce Cunningham s’est éteint le 26 juillet 2009 à New York, après avoir créé sa dernière pièce, Nearly[...]

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Écrit par

  • : écrivaine, journaliste dans le domaine de la danse

Classification

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