MERCENAIRES
Mutations du mercenariat depuis 1945
Dans la seconde moitié du xxe siècle, la guerre froide (1947-1989) constitue une nouvelle étape pour les activités armées inhérentes au volontariat et au mercenariat, notamment à travers les guerres et crises de la décolonisation. Les uns et les autres sont employés pour les mêmes buts, mais avec moins d'efficacité lorsqu'il s'agit de volontaires. Car, à la différence de leurs aînés du siècle passé ou des années de guerre mondiale, la préparation militaire initiale leur fait largement défaut. L'Afrique, dans les années 1960, est en pleine mutation, avec la formation tumultueuse de jeunes États qui donnent au mercenariat un nouveau souffle. Du Zaïre au Biafra, de l'Angola au Mozambique, les mercenaires s'impliquent soit en faveur de régimes socialistes ou communistes, avec les conseillers cubains et soviétiques, soit en faveur des courants libéraux.
Reconvertis et supplétifs du néo-colonialisme
Apparaissent alors d'anciens militaires, issus des troupes d'élite. Il s'agit principalement de Français, souvent anciens des guerres d'Indochine et d'Algérie, de Belges ou encore d'Anglo-Saxons, rompus aux techniques de la guérilla et de l'encadrement de supplétifs. Et les avantages financiers ne sont pas toujours au rendez-vous. Quelques noms ont marqué cette période : le colonel Trinquier (1908-1986), le commandant Roger Faulques, ancien légionnaire parachutiste, Rolf Steiner ou encore le Belge Jean Schramme, fils du bâtonnier de Bruges. Pour l'opinion publique, le Bordelais Bob Denard (1929-2007), reste le mercenaire le plus connu, pour ses trente années d'activité de professionnel de la guerre de l'ombre, œuvrant notamment au profit des services spéciaux français – le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE), ancêtre de la DGSE –, et de Jacques Foccart, responsable des Affaires africaines. Le recours de plus en plus systématique fait par les États à des acteurs privés dans le jeu des antagonismes géopolitiques conduit à une certaine privatisation des conflits et des politiques de sécurité : des mercenaires interviennent comme supplétifs ou instructeurs des armées nationales, comme conseillers militaires ou, tout simplement, comme exécutants d'opérations secrètes, sans que des militaires réguliers soient directement impliqués. Ils deviennent une appréciable force d'appoint pour des missions dont les États ne veulent pas assumer ouvertement la responsabilité, afin d'éviter les tensions internationales et diplomatiques. Les États-Unis appliquent jusque dans les années 1980 ce procédé en Amérique latine dans les pays de régime socialiste ou procommuniste. Parallèlement aux conseillers militaires dépendant du Pentagone, la Central Intelligence Agency (CIA) a ainsi géré des mercenaires qu'elle envoyait en Afghanistan, où une rébellion affrontaient le régime de Kaboul soutenu par le corps expéditionnaire soviétique, au Nicaragua, pour appuyer la guérilla contra ou encore au Honduras ou au Salvador, dans le cadre d'une lutte contre les guérillas révolutionnaires.
Face à eux, l'URSS procédait de façon analogue, au gré des conflits périphériques de la guerre froide ou de la détente : en Corée (1950-1953), au Vietnam (1965-1974), en Éthiopie (1975-1979) ou en Afghanistan, de 1979 à 1989. Les Soviétiques s'appuyaient sur les conseillers cubains, qui opérèrent dans diverses zones du Tiers Monde, particulièrement en Amérique du Sud et en Afrique.
Expansion des sociétés militaires privées
À partir des années 1980, le milieu du mercenariat ou des professionnels de la guerre connaît une nouvelle mutation. La fin de la guerre froide se profile, même s'il subsiste des crises ponctuelles, et les restrictions budgétaires des politiques de défense entraînent une diminution[...]
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Écrit par
- Pascal LE PAUTREMAT : docteur en histoire, enseignant en histoire et géographie, en géopolitique et défense intérieure
Classification
Médias
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