MÉROVINGIENS
Placée entre deux événements parfaitement datés – l'avènement de Clovis en 481 et celui de Pépin le Bref en 751 –, l'époque mérovingienne apparaît avant tout comme une période de transition qui devait préparer le Moyen Âge. En effet, l'invasion barbare a été le fait initial de ce Moyen Âge et jamais depuis aucun fait de cette importance n'a eu lieu. La conséquence en a été la fusion de deux éléments séparés et même antagonistes : le civilisé et le barbare. Encore qu'il ne faille pas exagérer leur antinomie. Les historiens se sont trop souvent opposés sur ce point ; les uns – les romanistes – assurant la permanence de certains éléments de la civilisation romaine, d'autres y voyant un triomphe du monde barbare. Cette fusion a produit une civilisation profondément originale où il est vain de vouloir séparer chacun des éléments pour pouvoir les rattacher au monde barbare ou au monde romain. Cependant, on doit bien reconnaître que les « invasions » n'ont pas bouleversé la Gaule romaine au point d'en faire disparaître toute trace. Les Germains se sont insérés dans les cadres existants qui n'étaient déjà plus ceux du Haut-Empire. D'ailleurs à cette époque, barbares et civilisés n'étaient plus aussi étrangers l'un à l'autre : la décadence de l'Empire avait rapproché singulièrement les Gallo-Romains des Barbares, ce qui permet de rendre compte de la facilité avec laquelle s'est opérée la fusion ethnique. Cette décadence, qui touche tous les domaines, se prolongea sous les Mérovingiens et par un phénomène historique constant s'accéléra si bien qu'au milieu du viiie siècle le Regnum Francorum offre une image bien différente de celle qu'avait voulu en donner son fondateur. À cette époque, tant dans le domaine économique qu'intellectuel, le centre de gravité de la Gaule s'est déplacé vers le nord. Peut-être ce déplacement est-il le fait le plus important, car il explique l'Empire carolingien et tout le Moyen Âge occidental.
On a longtemps admis comme une évidence qu'à chacun des peuples « barbares » qui se partagèrent l'Empire romain d'Occident, au lendemain des « Grandes Invasions » du ve siècle, correspondait un art spécifique et en quelque sorte « national », au sens ethnique du terme. Les progrès décisifs des connaissances archéologiques, de même qu'une meilleure exploitation des sources écrites, ont permis de nuancer cette théorie et de parvenir à une vision moins simpliste de ce que furent des arts dits « barbares » au début du haut Moyen Âge (ve-viiie s.).
On a ainsi rappelé, notamment en France et en Grande-Bretagne, que les conséquences des Grandes Invasions avaient été politiques, économiques et sociales plus qu'ethniques, les nouveaux venus germaniques, tout en disposant du pouvoir, étant demeurés des minorités. Celles-ci, d'abord juxtaposées au peuplement indigène majoritaire, s'y amalgamèrent peu à peu quand leur implantation fut durable. Les peuples barbares considérés possédaient-ils un art propre avant de se fixer dans l'Empire ? Dans l'affirmative, comment s'est-il acclimaté dans le pays d'accueil ? Dans la négative, quel a pu être le poids, dans le domaine des arts, de ces minorités politiquement dominantes ? La rencontre de courants artistiques indigènes et étrangers, si elle a eu lieu, s'est-elle traduite par l'éclosion d'un art nouveau ou a-t-elle au contraire renforcé les particularismes ?
Le fait même de poser ces questions fondamentales apparaît déjà comme une étape importante de la recherche, car il conduit à ce constat que les qualificatifs ethniques traditionnellement utilisés pour définir les divers arts barbares dissimulent des réalités bien plus complexes. Leur[...]
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Écrit par
- Alain ERLANDE-BRANDENBURG : conservateur général honoraire du Patrimoine
- Patrick PÉRIN : directeur du musée des Antiquités nationales, Saint-Germain-en-Laye
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Médias
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