MILLER MERTON HOWARD (1923-2000)
Issu de l'université de Chicago (Illinois), la pépinière des Prix Nobel d'économie, dont l'idéologie réputée libérale a dominé la pensée économique contemporaine, l'Américain Merton Miller n'a jamais été une « star » dans sa discipline, à l'image d'un Paul Samuelson (Prix Nobel 1970) ou d'un Milton Friedman (Prix Nobel 1976). Très écouté, toutefois, de tous les spécialistes de l'investissement et des places financières, il fut unanimement reconnu comme l'un des « fondateurs de la finance moderne ».
Merton Miller est mort à l'âge de soixante-dix-sept ans, le 3 juin 2000, des suites d'un lymphome, à son domicile de Chicago. Dix ans plus tôt, le 16 octobre 1990, l'Académie suédoise des sciences – jury du prix Nobel – l'avait distingué pour sa « contribution unique à la théorie moderne du financement des entreprises ». Merton Miller partagea la récompense avec deux compatriotes, Harry Markowitz et William Sharpe, spécialistes comme lui de la théorie financière des entreprises et de l'équilibre des marchés.
Né à Boston le 16 mai 1923, Merton Miller suit les traces de son père en obtenant son premier diplôme dès sa vingtième année à l'université Harvard (Massachusetts). Pendant toute la période de la Seconde Guerre mondiale, il occupe des missions d'expert économique, au Trésor américain d'abord, puis à la Banque centrale américaine, la Federal Reserve Bank. Ce n'est qu'en 1952, après avoir soutenu sa thèse de doctorat d'économie à l'université Johns Hopkins à Baltimore (Maryland), qu'il commence véritablement sa carrière professorale. Il enseigne dans un premier temps à l'Institut technologique de Carnegie avant d'être nommé en 1961 professeur à la prestigieuse université de Chicago où il poursuivra sa carrière jusqu'en 1993.
Merton Miller s'était fait connaître des milieux financiers dès la fin des années 1950, lorsqu'il publia avec Franco Modigliani deux théorèmes parmi les plus célèbres en théorie financière. Ces théorèmes dits de Modigliani-Miller allaient servir de fondement à toutes les recherches théoriques et appliquées sur les décisions financières des entreprises.
Le premier exprime de manière théorique que la valeur d'une firme est indépendante de sa structure financière et de son endettement. L'affirmation est paradoxale quand on sait que beaucoup de responsables d'entreprise continuent de considérer que le financement de leurs investissements par la dette augmente la rentabilité de leurs fonds propres, surtout si l'avantage fiscal de la dette est pris en compte. C'est aussi ce que l'on enseigne à tous les étudiants en économie sous le terme d'« effet de levier ».
Le second théorème est encore plus étonnant, puisqu'il avance que la valeur d'une firme est également indépendante des dividendes qu'elle distribue à ses actionnaires, ce qui pourrait donc justifier qu'elle n'en distribue pas, conséquence difficilement acceptable pour les actionnaires, qu'ils soient individuels ou institutionnels.
Avec ces deux théorèmes publiés en 1958, Merton Miller était alors passé tout près du prix Nobel, qui couronna finalement en 1985 son ami Franco Modigliani. Cette publication lui valut toutefois la reconnaissance des spécialistes de la finance qui lui proposèrent en 1976 de présider aux destinées de l'American Finance Association.
Une fois nobélisé, Merton Miller siégera au conseil du Chicago Mercantile Exchange, l'un des plus fameux marchés d'instruments dérivés. Après le krach financier du 19 octobre 1987 à New York (les valeurs industrielles du Dow Jones perdent 23 p. 100 en un jour), Merton Miller avait alimenté le débat sur le fonctionnement et la responsabilité de ces marchés sur lesquels[...]
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Écrit par
- Françoise PICHON-MAMÈRE : maître de conférences, université Paris-Sorbonne
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