LEROY MERVYN (1900-1987)
Au début des années 1930, prenant en considération les nouveaux paramètres sociaux-économiques, les frères Warner axent la politique de leur studio sur deux pôles bien précis : la comédie musicale et le film social, qui dénonce les tares d'un système réputé infaillible. Deux films illustrent cette dernière conception : Little Caesar avec Edward G. Robinson (1931) et Je suis un évadé avec Paul Muni (1932), tous deux réalisés par Mervyn LeRoy, qui avait fait ses débuts de cinéaste en 1927. En 1932, le metteur en scène avait également attiré l'attention avec Five Star final, critique d'un ordre journalistique trop puissant, et se conformait parfaitement aux vœux des dirigeants du studio, en alternant des comédies musicales (Gold Diggers of 1933 avec Ginger Rogers, ou Tugboat Annie avec Marie Dressler, 1933) avec des films d'aventures inspirés d'œuvres littéraires (Anthony Adverse, 1936) et des films noirs presque néo-réalistes (La ville gronde, 1937). Mervyn LeRoy campe des personnages symboles auxquels tout spectateur peut s'identifier. Il fait également partie de cette génération de cinéastes sensibles à la maîtrise du récit et à l'esthétique des studios qu'il s'efforce à la fois de servir et de créer.
À la fin des années 1930, Mervyn LeRoy accepte l'offre de Louis B. Mayer : la production de films pour la Metro-Goldwyn. Sa nouvelle fonction commence par une production à gros budget, Le Magicien d'Oz (1939), dirigé par Victor Fleming, et par un film conçu pour les Marx Brothers, Un jour au cirque (1939). Mais la mise en scène lui manque. Il va alors tourner un de ses plus grands succès, Waterloo bridge (La Valse dans l'ombre, 1940), mélodrame « flamboyant » qui a pour interprètes Vivien Leigh et Robert Taylor, particulièrement inspirés. Il dirigera par la suite toutes les grandes vedettes de la firme : l'Irlandaise Greer Garson dans Prisonniers du passé (1942) et Madame Curie (1943), Lana Turner... Il continuera de pratiquer le mélange des genres : films de guerre (Trente Secondes sur Tōkyō, 1944) et drames de réinsertion sociale (Le Retour, 1948), alternant avec des films de gangsters (Johnny Eager, 1941, avec Robert Taylor) et des films « familiaux » (telle la nouvelle version des Quatre Filles du docteur March, 1949, avec une Elizabeth Taylor encore adolescente). Au début des années 1950, Mervyn LeRoy allait filmer des péplums de luxe (Quo Vadis ?, 1951) et flirter avec les musicals (Rose-Marie, 1954). Si toutes ces productions sont de bonne facture et relèvent bien de l'esthétique de la Metro, il y manque peut-être un regard plus affirmé.
En 1955, LeRoy revient aux Studios Warner en cosignant avec John FordPermission jusqu'à l'aube, adaptation d'une pièce à succès de Broadway, et en tourant La Mauvaise Graine (1956), également adapté de Broadway. Pour ce dernier film, le metteur en scène dut jouer au plus fin avec le code de la censure qui n'acceptait pas qu'une jeune adolescente puisse être pénétrée de sentiments si pervers ! Dans ses mémoires, LeRoy semble avoir une affection particulière pour ce film, ainsi que pour le suivant, The F.B.I. Story (La Police fédérale enquête, 1959), hommage à Edgar G. Hoover, contesté par la critique libérale, mais qui fut un des derniers succès du réalisateur.
Dans les années 1960, il réalise encore Gipsy (1962), Le Diable à quatre heures avec Spencer Tracy et Frank Sinatra (1961), et termine sa carrière en 1965 par Moment to Moment (Choc), avec Jean Seberg. Même si son palmarès demeure fort honorable, Mervyn LeRoy ne figure pas parmi les grands créateurs d'Hollywood. Il s'est d'abord efforcé de bien raconter une histoire en s'entourant à chaque fois d'une équipe artistique compétente. D'où ses succès, mais également ses limites.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- André-Charles COHEN : critique de cinéma, traducteur
Classification