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MÉSOPOTAMIE La religion

Seules les religions « historiques », œuvres d'un fondateur qui a su imposer et institutionnaliser ses convictions et ses attitudes religieuses, ont un besoin vital de se rattacher à leur source pour en garder le même courant, sous peine de perdre leur identité. Elles le font, en bonne règle, plus que par voie orale, par une tradition écrite qui remonte plus ou moins immédiatement à ce fondateur, et se trouve consignée en des « livres saints » normatifs, régulièrement interprétés par une autorité doctrinale. Tel n'était pas le cas de la religion mésopotamienne, simple fonction de la civilisation locale, sans plus de promoteur que celle-ci et dont les origines se perdaient également dans la nuit de la préhistoire.

Caractères généraux

L'écrit et l'oral

Pourtant, les premiers au monde, depuis les débuts du IIIe millénaire, ses fidèles ont disposé d'un moyen de fixer et de transmettre la pensée : l'écriture. Construite sur un système de croquis significatifs – pictogrammes et idéogrammes, auxquels on avait ultérieurement conféré une capacité d'exprimer aussi des sons, des phonèmes, sans leur ôter le moins du monde celle, antérieure, d'évoquer immédiatement des choses –, cette écriture, d'abord simple aide-mémoire, puis rattachée assez vite à la langue et mise à même d'en traduire le contenu entier (le plus vieux corpus littéraire connu est des environs de 2700 !), était assez extraordinairement compliquée, avec ses quelques centaines de signes, tous polyvalents et dont le sens précis ne pouvait guère se tirer que du contexte. C'est une des raisons – mais sans doute pas la seule – qui en a fait l'apanage d'une corporation de spécialistes, entraînés par de longues années d'études et d'exercices, et qui seuls étaient en mesure non seulement d'écrire, mais de lire, les deux exercices ne pouvant guère aller l'un sans l'autre.

En d'autres termes, non seulement la tradition orale n'a cessé, dans ce pays, de subsister de pair avec la tradition écrite, mais celle-ci n'a jamais été le fait que d'une élite de spécialistes. L'identité substantielle, et plus que substantielle, des deux ne saurait pourtant faire le moindre doute : même si la tradition orale a toutes chances d'avoir été infiniment plus riche et variée, et s'il est hautement vraisemblable que les lettrés, plus informés, plus réfléchis, plus subtils que le commun du peuple, de par leur culture et leur position sociale, y ont mis du leur même en la transcrivant, nous pouvons compter que la seule tradition religieuse parvenue à notre connaissance, dans les documents sans nombre composés ou recopiés par les antiques scribes, nous rend avec assez d'authenticité le contenu entier de cette vieille religion.

Même si, comparée à tout ce qui s'est jamais transmis de vive voix durant ces millénaires, elle devait se trouver, et se trouve, en effet, trop souvent incomplète ou lacunaire, cette tradition est d'autant plus opulente et multiforme qu'en ce temps-là la religion était encore profondément intégrée à la vie courante et que, de la sorte, les documents de n'importe quel département culturel peuvent nous fournir, sur son compte, directement ou non, quelque notion, parfois inédite ou de prix. C'est ainsi que les anthroponymes, qui consistaient alors régulièrement en des sortes d'invocations ou d'affirmations religieuses – du type « Ô Nabû protège mon enfant ! » (Nabû-kudurri-ụsur) ; « Ištar est mon soutien ! » (Ištar-nematti) –, nous apportent les éléments de toute une « théologie » populaire ; et qu'un billet de livraison d'huile fine nous révèle l'existence et la date d'une festivité liturgique, au cours de laquelle intervenait un rite d'onction.

Mais, heureusement,[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études (assyriologie) à l'École pratique des hautes études (IVe section), Sorbonne
  • : assyriologue, Directeur de recherche au C.N.R.S., professeur à l'École pratique des hautes études en sciences sociales

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