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MÉSOPOTAMIE Vue d'ensemble

Dans l'espace et le temps attribués à ce que l'historiographie européenne appelle l'Antiquité, ensemble restreint de cultures et de civilisations dont l'Occident se reconnaît débiteur, la civilisation mésopotamienne tient la place ingrate du plus lointain parent. Éloigné, le pays appelé par les Grecs l'« Entre-deux-fleuves » l'est d'abord d'un point de vue géographique, de par sa situation excentrée, aux confins orientaux de l'ère principale où tout se jouerait, la Méditerranée, partagée et disputée tour à tour par les civilisations égyptienne, phénicienne, grecque et romaine. Il l'est encore du point de vue chronologique, l'ancienneté de sa civilisation lui conférant sans guère de contestation possible la première place dans l'histoire, qui commence à Sumer, comme l'écrit Samuel Kramer, à la fin du IVe millénaire avant J.-C.

La civilisation mésopotamienne paraît lointaine aussi par son système d'écriture, dit cunéiforme, dont la longévité – plus de trois mille ans –, n'a d'égale que sa complexité. Cette écriture « en forme de coins », réadaptée au cours de son histoire à plusieurs langues différentes (sumérien, akkadien, élamite, vieux perse), n'a livré ses multiples secrets qu'au prix d'un fastidieux travail de déchiffrement mené par une pléthore de philologues européens pendant près d'un siècle, dans une recherche collective qui est comme le contre-exemple de la fulgurante découverte d'un Champollion.

On peut encore se demander jusqu'à quel point la civilisation mésopotamienne n'a pas été aussi volontairement éloignée, tel un ancêtre trop encombrant. Si leurs motifs diffèrent, on repère en effet chez les Juifs des viie-vie siècles comme chez les Grecs du ve siècle avant J.-C., une attitude analogue de rejet de cette civilisation millénaire, suivant une logique d'affirmation par opposition, au moment historique précis où ces deux peuples entreprennent de secouer le joug politique exercé par la grande puissance de l'Orient. Les multiples références bibliques au pays des Chaldéens, depuis celle qui concerne le premier patriarche, Abraham, originaire d'Ur, jusqu'à la période de captivité en Babylonie au vie siècle avant J.-C. montrent à la fois la proximité culturelle des Hébreux avec ce monde et la relation d'hostilité qui finit par prévaloir. Les figures de l'Assyrien belliqueux et cruel ou celle du Babylonien idolâtre, superstitieux et dépravé sont ainsi mises en place. Quant aux Grecs, les guerres médiques seront le moment où est fixée l'image d'un Orient en proie aux excès, à la démesure (hubris), à l'avidité insatiable, aux mœurs raffinées, amollies et efféminées, réunion de peuples bigarrés soumis par la seule crainte du « roi des rois » perse.

Cités de Mésopotamie - crédits : Encyclopædia Universalis France

Cités de Mésopotamie

Chacune pour leur propre compte, Jérusalem et Athènes vont ainsi faire de Babylone un repoussoir, symbole du péché contre Dieu ou de l'ignorance de la Raison, demeure de l'archaïsme, de l'exotisme et du surnaturel démoniaque. On peut aujourd'hui avancer sans trop d'erreur que la constitution de ces pieux discours sur l'« Empire du mal » visait aussi et peut-être surtout à occulter la dette que ces deux cultures avaient accumulé à l'égard de l'Orient si proche et si voisin, l'antique Mésopotamie.

—  ENCYCLOPÆDIA UNIVERSALIS

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Cités de Mésopotamie - crédits : Encyclopædia Universalis France

Cités de Mésopotamie

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