MESSIANISME
Les cycles messianiques
Messianismes et religions
L'aire des messianismes ne se confond pas mais interfère largement avec celle des religions. Wallis remarque que si les messies ont été plutôt rares dans le shintoïsme, le taoïsme et le confucianisme, ils ont été nombreux dans le judaïsme, le christianisme et l'islam. Il relève aussi des traces de messianisme dans l'ancienne Égypte et à Sumer et estime même qu'il n'est pas absent de cette religion de soumission qu'est le bouddhisme (attente des Bodhisattvas et particulièrement du millième et dernier Bouddha à venir, dont l'apparition provoquerait l'instauration d'un Âge d'or), et Stephen Fuchs a pu identifier des mouvements messianiques dans les religions indiennes. Quant à la religion zoroastrienne, elle entretenait spécialement la croyance en la naissance miraculeuse d'un descendant du prophète, descendant qui inaugurerait un règne de salut lié à des supputations millénaristes. En Extrême-Orient, les religions chinoises ont vu apparaître périodiquement sur leurs franges toute une tradition de sociétés secrètes et conspiratrices souvent liées à des jacqueries, et il n'est pas rare d'y relever des syncrétismes dont le noyau contient, peut-être à la suite de l'imprégnation chrétienne, quelque espérance messianique.
Pour la période judaïque préchrétienne, le fait messianique a été étudié par Marie-Joseph Lagrange dans un ouvrage qui demeure classique : Le Messianisme chez les juifs. Cependant, la découverte des manuscrits du désert de Juda a ravivé l'attention tant sur l'éventualité d'un messianisme pacifiste et ésotérique que sur l'existence, par contrecoup, d'un messianisme zélote. Pour expliquer ce messianisme juif préchrétien, on a souvent évoqué l'influence des bouleversements du viie siècle avant J.-C., la référence à la période davidique, la royauté se trouvant stimulée, en outre, par l'eschatologie des peuples orientaux rencontrés au cours de l'exil. Mais d'autres historiens, comme Adolphe Lods, relèvent, avant même cette période, une espérance messianique dans la religion populaire.
À partir de l'ère chrétienne, le messianisme juif et le messianisme chrétien se différencient. Wallis a pu consacrer un chapitre de son investigation aux messies juifs. Ceux-ci ont été nombreux, en effet, non seulement autour des origines chrétiennes mais ultérieurement de siècle en siècle. Abba Silver en a présenté également une large rétrospective allant des messies juifs préchrétiens et immédiatement postchrétiens (Bar Kokhba et la grande révolte de 135) jusqu'aux précurseurs du sionisme contemporain.
Si le fait messianique a connu dans le judaïsme et dans le christianisme son développement le plus important et le plus original, certains ont pu voir dans l'islam une branche du messianisme judéo-chrétien ou, du moins, de sa dimension apocalyptique concernant l'établissement d'un royaume (de Dieu) sans Église. Lagrange note que « La mission de Mahomet est une page, la plus inattendue et la plus décevante pour les juifs, des antiques espérances messianiques ». En tout cas, ce messianisme est un fait et il a proliféré dans l'« hétérodoxie musulmane » comme dans l'« hétérodoxie » chrétienne. Sa plus célèbre manifestation est l'attente du Mahdī, qui a donné naissance à de multiples mouvements dont certains, plus spectaculaires ou plus récents, sont mieux connus, tels le bābisme et le béhaïsme. On a même suggéré que la doctrine islamique du Mahdī pourrait représenter, hors de l'aire spécifiquement judéo-chrétienne, la conception la plus proche du messianisme juif.
Les cycles juifs
Surgi à l'intérieur du peuple à l'époque de la captivité à Babylone, le messianisme juif est caractérisé[...]
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Écrit par
- Henri DESROCHE : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
- Roland GOETSCHEL : professeur des Universités, directeur du département d'études hébraïques et juives de l'université de Strasbourg-II, professeur associé à l'Université libre de Bruxelles
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