MESURE, mathématique
Mesurer les objets concrets mathématisables fut l'un des premiers actes scientifiques conscients : il est d'usage de citer la redistribution, à des fins fiscales, des terres émergées après une crue du Nil, dans l'Égypte antique. Le premier niveau consiste à calculer des longueurs, d'abord d'intervalles de droites, puis de courbes comme le cercle. Le second a pour objet d'obtenir l'aire (mot savant pour surface) d'une partie d'un plan comme l'intérieur d'un polygone, ou un disque. Le troisième est une extension naturelle des deux premiers : il s'agit naturellement de trouver les volumes des solides simples, cube, pyramide et sphère.
Si, dans l'Antiquité, les longueurs de segments, les aires de rectangles, parallélogrammes et trapèzes, les volumes de parallélépipèdes ne posent aucun problème technique insurmontable, la détermination de l'aire d'un disque circulaire, du volume d'une sphère et, plus encore, de l'aire latérale de cette dernière, demandait à un Archimède d'inventer des techniques proches de notre calcul intégral. Il va de soi que, jusqu'au xixe siècle, une définition précise de l'un de ces trois mots était difficilement satisfaisante. Certes, le calcul intégral avait permis une première étude un peu rigoureuse des aires des figures classiques (suivant une présentation des intégrales comme étant les aires de certaines parties du plan délimitées par des courbes d'équation connue), mais cela restait insuffisant.
Définition de Peano
C'est en remarquant, dans un cours classique de son époque, que le concept d'aire était mal déterminé, que Giuseppe Peano fut conduit, en 1887, à en donner une définition assez précise.
Avant d'expliciter son travail, observons un cas très simple : celui d'une partie ouverte et bornée U d'une droite, à laquelle on cherche à attacher une longueur. Il se trouve qu'une telle partie est exactement la réunion disjointe d'intervalles ouverts ]an, bn[ indexée par des entiers 0, 1, 2, ..., n... Le cas fini est immédiat : la longueur ne peut être que la somme finie des différences bn– an. Dans le cas infini, il suffit de la remplacer par une somme de série.
Si sommaire qu'il soit, ce schéma suffit pour engendrer un concept révolutionnaire : celui d'ensemble de mesure nulle. Une partie A de ℝ est dite de mesure nulle, ou encore négligeable, si, pour tout ε < 0, il existe un ouvert U contenant A et de mesure inférieure à ε. Une propriété de points qui n'est fausse que sur un ensemble négligeable de points est dite presque partout vraie.
Exposons l'idée de Peano sur des parties planes bornées B (l'intérieur d'une ellipse, par exemple). Il considère la famille de toutes les plaques polygonales incluses dans B. Puisque B est bornée, elle est par exemple incluse dans un rectangle R d'aire k. Son caractère borné fait que ces aires polygonales sont majorées par k. Leur ensemble admet donc une borne supérieure, c'est-à-dire un majorant des aires plus petit que tous les autres. Cette borne est la mesure intérieure M de l'ensemble B.
Le complémentaire B' de B dans R est lui aussi borné. Il admet donc une mesure intérieure M' ; Peano appelle alors mesure extérieure M+ de B le nombrek– M'.
Cette seconde mesure est indépendante du choix de R. Elle est supérieure ou égale à la mesure intérieure M ; c'est aussi la borne inférieure des aires des plaques polygonales contenant B. La partie B est dite mesurable, et de mesure M, si les nombres M et M+ sont égaux, M étant leur valeur commune. Pour prendre un terme de bridge, une partie est mesurable si elle peut être prise en squeeze infiniment resserré entre des parties intérieures et extérieures suffisamment simples.
Il existe des parties bornées non mesurables[...]
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Écrit par
- André WARUSFEL : universitaire
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