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MESURE, musique

La mesure, un concept extensif universel

Même si André Souris a écrit : « Toute discussion sur la mesure est désormais périmée » (in « Rythme », de F. Michel dir., Encyclopédie de la musique, Fasquelle, Paris, 1961), il n'est peut-être pas inutile d'indiquer qu'une approche théorique différente de celle qui est exposée ci-dessus demeure possible ; elle a l'avantage d'élargir le débat à la dimension de l'extension d'un concept universel.

Si l'on comprend que le rythme est un concept analogique qui ordonne, avant tout, le mouvement des valeurs de durée, d'intensité, de hauteur, de timbre, de dynamique, on voit, par différence, que le concept de mesure regarde univoquement l'écriture du temps musical en fonction d'une unité de durée prise comme mètre.

C'est par un fâcheux malentendu musicologique que l'on oppose musique mesurée et musique non mesurée à partir de la régularité ou de l'irrégularité des mesures (cadres où s'inscrivent les notes et les silences). Il est plus fondamental, en effet, et partant plus clair, de considérer que toute musique, qui peut s'inscrire dans un cadre de battue à valeurs simples (soit isochrones, soit irrégulières) ou complexes, est mesurée. Ainsi on distinguera le temps musical non mesuré, qui n'a aucun jalonnement normatif précédant l'exécution de la partition, du temps musical mesuré, lequel se subdivise en trois catégories :

– avec jalonnement régulier fondé sur une unité de valeur permanente (ainsi, pour la noire, une suite de mesures à 2/4 ou 3/4 ou 6/4, etc.) ;

– avec jalonnement irrégulier fondé sur une unité de valeur permanente (ainsi, pour la noire, une suite de mesures comme 2/4 + 3/4 + 2/4 + 5/4. Noter que le grégorien à la manière de Solesmes fait partie de ces musiques mesurées-là, même s'il n'utilise pas la barre de mesure) ;

– avec jalonnement irrégulier fondé sur des unités de valeur variable (telles des suites comme : 1 mesure à la noire = 76, + 2 mesures à la double croche = 110, + 5 mesures à la blanche = 60, etc.).

Les valeurs ajoutées de Messiaen (par exemple    ) s'inscrivent, suivant les cas, dans l'une ou l'autre de ces deux dernières subdivisions.

Mais tout ce qui concerne la période et l'organisation des périodes musicales renvoie au rythme et à sa conception analogique.

Le chef d'orchestre mesure bien le temps du discours musical dont il lit la graphie sur la partition, parce que ce discours est bien mesuré par les notes dont la durée est telle, parce que la mesure est une structure graphique (donc éventuellement gestuelle) du temps musical. La barre de mesure (en trait plein, en pointillé, en tiret vertical en haut de la portée... ou sous-entendue comme en grégorien) n'est qu'une manière d'indiquer graphiquement une figure rythmique élémentaire virtuelle ; quand il y a polyphonie (donc souvent polyrythmie), elle permet la synchronisation des mouvements à exécuter.

Le rythme libre au sens strict est celui dont le discours musical n'est pas normativement mesuré avant son exécution – il n'est mesurable qu'après coup, le compositeur n'ayant pas proposé un mètre de durée avant l'exécution de sa musique, mais l'interprète, obligatoirement, inscrivant une mesure dans son discours.

Enfin, on peut noter qu'une telle analyse de la mesure permet d'universaliser son concept à toutes les musiques d'Europe ou d'ailleurs, quelles qu'elles soient.

— Pierre-Paul LACAS

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Écrit par

  • : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien
  • : compositeur, fondatrice et directrice artistique de l'Association pour la collaboration des interprètes et compositeurs

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