MESURES, économie
La mesure en unités monétaires
Les sociétés contemporaines dont on cherche à décrire puis à analyser le fonctionnement économique sont toutes largement monétarisées. La monnaie y est le support essentiel des transactions entre les acteurs de la vie économique ; c'est en monnaie, le plus souvent, que s'exprime la valeur des stocks de biens ou de créances présents dans l'économie. D'où l'importance des mesures en termes monétaires dans l'analyse économique. Toutefois, ce recours à un seul étalon de référence ne dispense pas de résoudre de délicats problèmes de valorisation. En outre, le « tout monétaire » peut gêner la compréhension de certains phénomènes socio-économiques et l'on peut trouver avantage à remplacer la monnaie par d'autres unités de référence.
Problèmes de valorisation
La circulation des biens ou des services disponibles dans l'économie se traduit en général par une suite de transactions commerciales au cours desquelles fournisseur et acheteur se mettent d'accord sur le prix de la marchandise ou du service objet de la transaction. Le prix correspond ici à la valeur monétaire d'une unité physique de l'objet échangé. La mesure, à l'échelle des individus (microéconomique) ou d'une partie de l'économie nationale (macroéconomique), est donc le plus souvent fondée sur la référence aux « prix du marché », c'est-à-dire les prix effectivement pratiqués dans les transactions observées : il n'y a là, apparemment, rien de plus objectif.
Le malheur est que la notion de prix du marché change sensiblement de contenu tout au long du circuit économique qui va, par exemple, du producteur au consommateur. Prenons l'exemple du livre : quel est son prix sur le marché à un instant donné ? Pour le producteur (qu'on assimilera ici à l'éditeur), le prix le plus pertinent, celui qui détermine son comportement économique, est le prix hors-taxes qui sert de base aux transactions entre lui et les libraires ; c'est de ce prix en effet que dépend l'équilibre financier de sa gestion. Pour le lecteur, le prix sur le marché est tout naturellement celui auquel il se procure le livre. On comprend que ces deux prix du marché sont différents. On peut imaginer que ce prix, dans l'optique du producteur, est de 10 euros tandis qu'il est, dans l'optique de l'acquéreur final, de 16 euros ; la différence correspond aux taxes supportées par l'acquéreur final (moins les éventuelles subventions qu'il perçoit) et à la marge commerciale prélevée par le libraire. Il est donc inévitable, pour mesurer de façon pertinente les flux effectifs d'offre et de demande de livres, de valoriser l'offre par l'éditeur au prix de 10 euros, la demande finale par les lecteurs au prix de 16 euros, et de montrer l'ajustement entre ces deux valeurs par le jeu de la fiscalité indirecte et des marges commerciales.
Si l'on passe des transactions effectives (donc en principe observables) à des stocks de biens ne faisant pas l'objet, au moment de la mesure, de transactions entre unités économiques, la valorisation monétaire soulève des problèmes plus importants. On ne peut espérer mieux que l'imputation d'une valeur, calculée par analogie avec des valeurs monétaires effectivement observées sur des objets économiquement semblables à celui qu'on veut mesurer.
Ainsi, une machine peut être valorisée de multiples façons. On peut se référer à la dernière transaction dont elle a fait l'objet, c'est-à-dire à son prix d'achat lorsqu'elle est entrée dans l'entreprise. Cette valorisation « au coût historique » a l'avantage d'être objective et vérifiable. Dans sa version complète, la valeur d'achat initiale est amputée chaque année d'un « amortissement » qui tient compte de l'usure liée au fonctionnement de la[...]
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Écrit par
- Jean-Étienne CHAPRON : ancien élève de l'École polytechnique, administrateur de l'I.N.S.E.E., chef de la division des concepts et définitions statistiques et comptables de l'I.N.S.E.E.
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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