MÉTALLOGRAPHIE Microscopie électronique
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Les appareils d' optique électronique – microscope électronique à balayage (M.E.B.), microanalyseur à sonde électronique (M.A.S.E.) et microscope électronique en transmission – occupent une position privilégiée dans le domaine de la caractérisation microstructurale des matériaux en ce sens que chacun d'eux permet d'obtenir sur un même échantillon non seulement des renseignements relatifs à la morphologie et à la répartition des constituants, mais aussi des informations cristallographiques et compositionnelles. Le principe de fonctionnement de tous ces appareils repose sur le fait que, sous le faisceau d' électrons incidents, l'échantillon émet divers signaux électroniques et électromagnétiques suite à l'interaction électrons-matière. L'intensité de ces émissions varie d'un point à l'autre de l'échantillon et apporte une information localisée sur la microstructure, la structure cristallographique et la composition chimique. Historiquement, la distinction entre ces trois appareils et leurs domaines respectifs d'emploi était assez nette :
– le microscope électronique en transmission, dont le premier modèle date des années trente, a été mis au point pour obtenir des images à haute résolution et des diagrammes de diffraction électronique à partir d'échantillons transparents aux électrons incidents ayant une énergie d'une ou quelques centaines de keV (énergie pouvant aller jusqu'à quelques MeV sur certains appareils particuliers à très haute tension) ;
– au début des années 1950, le microanalyseur à sonde électronique a été conçu dans le but d'effectuer des analyses chimiques locales, à l'aide de la spectrométrie des rayons X caractéristiques engendrés dans un petit volume d'un échantillon massif bombardé par un faisceau très fin d'électrons, dont l'énergie peut varier de 1 à 40 keV environ ;
– enfin, au cours des années soixante, la microscopie électronique à balayage a pu se développer grâce à la réalisation de détecteurs efficaces, qui ont permis d'utiliser les électrons secondaires et les électrons rétrodiffusés émis par l'échantillon pour reconstituer une image de la microstructure sur un écran cathodique balayé en synchronisation avec le balayage de l'échantillon par le faisceau électronique.
De nos jours, ces distinctions entre les différents appareils se sont atténuées en raison du développement d'instruments hybrides. Il s'agit notamment, d'une part, de l'adjonction au microscope électronique à balayage et au microscope électronique en transmission de spectromètres X à sélection en énergie et, d'autre part, de l'utilisation de la technique de balayage pour la reconstitution d'images à partir des échantillons transparents étudiés dans un microscope électronique en transmission. Il subsiste cependant une certaine spécialisation des appareils commerciaux, selon que la vocation principale de l'instrument est d'étudier des échantillons massifs ou bien des échantillons transparents aux électrons. Nous examinerons successivement le fonctionnement et le domaine d'application des appareils correspondant à ces deux cas.
Microscopie électronique à balayage sur échantillons massifs
Appareillage
La figure montre schématiquement les principaux composants d'un microscope électronique à balayage. Le système d'éclairage de l' échantillon est composé d'un canon à électrons et d'une série de deux ou trois lentilles électromagnétiques qui permettent de former un faisceau d'électrons monocinétiques dont l'énergie, l'intensité et les dimensions peuvent varier au niveau de l'échantillon. Un carré de la surface de l'échantillon à étudier est balayé par le faisceau à l'aide de bobines déflectrices convenablement disposées sur la trajectoire des électrons incidents et activées par un générateur de balayage.
Les différents signaux émis par l'échantillon (électrons secondaires, électrons rétrodiffusés, électrons Auger, rayonnement X et autres rayonnements électromagnétiques dans la gamme de l'ultraviolet, de la lumière visible et de l'infrarouge) sont captés par des détecteurs spécifiques de chaque type d'émission placés autour de l'échantillon. Après amplification, le signal choisi pour former l'image est renvoyé sur le dispositif de modulation d'intensité du faisceau électronique d'un tube cathodique. C'est la synchronisation parfaite des balayages du faisceau électronique explorant la surface de l'échantillon et du faisceau cathodique qui permet de construire l'image. Le grossissement de celle-ci est tout simplement défini par le rapport entre les dimensions de l'écran cathodique et celles de l'aire balayée sur l'échantillon. Il peut varier de façon continue entre 10 et 50 000 environ.
Le pouvoir de résolution dépend des dimensions et de l'intensité de la sonde électronique au niveau de l'échantillon, du volume de matière qui émet les électrons et les photons et du bruit dans la chaîne de détection et d'amplification du signal. On peut faire varier ces différents paramètres dans des limites assez larges. Les images sont enregistrées le plus souvent en faisant une photographie de l'écran du tube cathodique. L'échantillon est monté sur une platine goniométrique qui permet de l'orienter convenablement par rapport au faisceau incident. Pour les besoins d'analyse chimique, on associe au microscope électronique à balayage un spectromètre adapté au signal analytique choisi (rayons X principalement).
Conditions d'observation
Les conditions d'observation, d'enregistrement et de traitement des signaux varient en fonction de la nature de l'information que l'on désire exploiter, information morphologique, cristallographique ou compositionnelle.
Fonctionnement en mode image
L'obtention des images à l'aide des électrons secondaires est la technique la plus utilisée pour l'observation de la microstructure ou de la topographie d'un échantillon massif. Dans le premier cas, il s'agit d'un échantillon plan poli et attaqué à l'aide des techniques usuelles de la métallographie. Dans le second cas, l'échantillon est le plus souvent examiné directement sans préparation préalable. Le contraste de l'image qui permet de visualiser la surface de l'échantillon résulte de ce que l'intensité d'émission des électrons secondaires est particulièrement sensible au microrelief de la surface observée. De plus le volume d'émission de ce signal est très faible et cela, combiné avec la sensibilité élevée du détecteur et le faible niveau de bruit dans la chaîne d'amplification du signal, permet d'atteindre, dans les meilleurs cas, un pouvoir de résolution spatiale de l'ordre de 3 nm.
Le second signal utilisé pour l'obtention des images est celui correspondant aux électrons rétrodiffusés par l'échantillon. L'intensité de cette émission est très sensible au numéro atomique moyen local. On peut ainsi observer la répartition des constituants microstructuraux d'un échantillon poli et non attaqué. Grâce à un système de traitement électronique du signal dans la chaîne d'amplification, il est possible de distinguer sur l'image des constituants dont la différence de numéro atomique moyen est inférieure à une unité. Dans le cas d'un solide cristallin, l'intensité de l'émission des électrons rétrodiffusés dépend également de l'angle d'incidence du faisceau d'électrons sur la surface de l'échantillon et ceci en raison de l'effet de la diffraction sur les trajectoires des électrons à l'intérieur du cristal. À l'aide des électrons rétrodiffusés, on peut ainsi obtenir à partir d'un échantillon polycristallin une image présentant un contraste dit cristallin, chaque grain (ou sous-grain) correspondant à un ton de gris différent.
De façon générale, le pouvoir de résolution spatiale des images formées par les électrons rétrodiffusés est un peu inférieur à celui correspondant aux électrons secondaires en raison de leur volume d'émission plus grand. Notons enfin que les émissions électroniques sont aussi sensibles à des variations locales éventuelles des propriétés magnétiques de l'échantillon et que cette particularité peut être exploitée pour obtenir un effet de contraste particulier. Il existe de même des techniques spéciales pour l'étude de la structure des semi-conducteurs.
Renseignements cristallographiques
L'étude de la cristallographie des constituants, en particulier l'orientation des grains d'un solide polycristallin, peut être abordée sur un échantillon massif par deux techniques différentes qui sont, d'une part, les figures de diffraction du type pseudo-Kikuchi et, d'autre part, la diffraction de Kossel.
Dans le premier cas, le diagramme de diffraction est obtenu, comme pour les images en contraste cristallin, grâce à la sensibilité de l'émission des électrons rétrodiffusés vis-à-vis de l'angle d'incidence du faisceau électronique sur le réseau cristallographique de l'échantillon. Au lieu de balayer le faisceau incident sur un carré de la surface, on modifie l'excitation des bobines déflectrices afin de faire pivoter le faisceau de plusieurs degrés autour d'un point fixe préalablement choisi de l'échantillon. La variation de l'angle d'incidence du faisceau conduit ainsi à la visualisation sur l'écran du tube cathodique d'une figure de diffraction correspondant à une zone localisée de l'échantillon ayant une dimension de l'ordre de quelques micromètres. Les lignes de forte et de faible intensité sur le diagramme peuvent être indexées en relation avec les plans de diffraction, ce qui permet ainsi de calculer les paramètres cristallins de l'échantillon et de déterminer ses orientations cristallographiques.
La technique de diffraction de Kossel repose sur le fait que les rayons X engendrés dans l'échantillon par les électrons incidents sont ensuite diffractés par le réseau cristallin. Le diagramme de diffraction est enregistré sur une plaque photographique convenablement placée près de l'échantillon. Le dispositif permet d'obtenir des renseignements cristallographiques dans une zone de quelques micromètres de diamètre.
Il est à noter que la qualité de ces deux types de diagramme peut être affectée par la présence de défauts cristallins, en particulier les dislocations.
Microanalyse
La méthode de microanalyse le plus souvent employée dans un microscope à balayage est celle de la spectrométrie X. Sous le bombardement des électrons incidents, l'ionisation des atomes au niveau des couches internes donne naissance à un rayonnement X caractéristique des espèces chimiques présentes dans l'échantillon. Le spectre de raies caractéristiques est superposé sur un fond continu du rayonnement de freinage formé lors de l'interaction des électrons incidents avec le champ coulombique des ions.
Pour réaliser la microanalyse dans un microscope électronique à balayage, on utilise un spectromètre à semiconducteur (silicium dopé au lithium) couramment appelé « sélectif en énergie », dont le schéma de fonctionnement est indiqué sur la figure. Dans le détecteur Si (Li) un photon X émis par l'échantillon est absorbé par effet photo-électrique. Le photo-électron dissipe son énergie par création de paires trou-électron dont le nombre moyen est proportionnel à l'énergie initiale du photon X. Un champ électrique créé par polarisation des bornes du semiconducteur Si (Li) permet de collecter la charge qui est proportionnelle au nombre de paires, et donc à l'énergie du photon incident. La charge est ensuite convertie en impulsion électrique dont l'amplitude est proportionnelle à l'énergie du photon X. Après amplification, cette amplitude est mesurée dans un convertisseur analogiquenumérique. Le spectre des photons émis est enfin reconstitué dans un analyseur multicanaux en bout de la chaîne de détection. Chaque canal de l'analyseur correspond à une bande d'énergie (typiquement de 10 ou de 20 eV de large) dans une gamme prédéterminée (typiquement de 0 à 20 keV). L'arrivée d'une impulsion fait augmenter d'une unité le contenu du canal correspondant à l'énergie du photon initial. Le spectre est donc représenté par un histogramme du nombre de coups dans chaque canal après un certain temps d'acquisition.
Le détecteur et le premier étage d'amplification sont maintenus à basse température à l'aide d'un cryostat afin d'assurer le fonctionnement correct du détecteur et d'atténuer le bruit électronique du système. Une seconde chaîne d'amplification est montée en parallèle avec la chaîne de mesure et de stockage afin d'éliminer les impulsions correspondant à l'arrivée simultanée de deux photons dans le détecteur, ce qui fausse la mesure de l'énergie de chaque photon (amplificateur de rejet d'empilement).
L'ensemble des opérations de traitement des impulsions et d'acquisition du spectre est géré par un miniordinateur qui permet également d'effectuer les opérations de soustraction du fond continu et de déconvolution des pics correspondant aux raies spectrales superposées en raison de la résolution médiocre de ce type de spectromètre. Un logiciel spécial est inclus pour calculer la composition chimique, à partir des intensités spectrales brutes, à l'aide des procédures de corrections solidement établies sur les bases physiques de la microanalyse à sonde électronique.
L'emploi des spectromètres à sélection en énergie est limité en général à l'analyse quantitative des éléments chimiques de numéro atomique supérieur à 11, bien qu'il soit maintenant possible de détecter qualitativement les atomes légers jusqu'au bore (Z = 5). Par ailleurs, la sensibilité de détection d'un spectromètre à sélection en énergie est nettement inférieure à celle d'un spectromètre à dispersion en longueur d'onde (spectromètre à cristaux) en raison de la résolution médiocre des raies qui diminue le rapport pic/fond. L'adjonction de spectromètres à cristaux au microscope à balayage devient assez courante de sorte que la distinction entre le M.E.B. et le M.A.S.E. tend à disparaître. Quant à la résolution spatiale de la microanalyse, elle est indépendante du type de spectromètre employé mais dépend du volume de l'échantillon dans lequel sont engendrés les rayons X. Ce volume, typiquement de l'ordre du μm3, est déterminé seulement par la distance de diffusion des électrons incidents dans la cible. Puisque ce volume est d'autant plus grand que l'énergie des électrons incidents est plus élevée, on limite pour la microanalyse cette énergie à une valeur de deux ou trois fois celle qui est nécessaire pour exciter le rayonnement caractéristique des éléments à analyser.
Applications
Le domaine d'application de la microscopie électronique à balayage couvre celui de la métallographie en général. Grâce à son pouvoir de résolution élevé et à sa grande profondeur de champ, le M.E.B. permet de relier entre elles les observations microstructurales classiques faites au microscope optique et les observations réalisées au microscope électronique en transmission qui permettent en particulier d'obtenir des renseignements qualitatifs et quantitatifs sur les imperfections du réseau cristallin.
Nous avons vu précédemment que le M.E.B. était aussi un outil de choix pour l'étude des cassures. Il peut de plus être équipé de porte-objets spécialement étudiés permettant d'observer in situ des phénomènes transitoires et dynamiques (chauffage, refroidissement, et déformation d'échantillons métalliques).
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Écrit par
- Guy HENRY : ingénieur en chef à l'Institut de recherches de la sidérurgie française, adjoint au directeur de l'Institut de recherches de la sidérurgie française
- Barry THOMAS : ingénieur, chef du service "Métallurgie physique" à l'Institut de recherchede la sidérurgie (Irsid)
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