MÉTALLURGIE
« Quelle est la différence entre le fer et l'acier ? » demandait, un jour de 1962, le professeur Cyril Stanley Smith, éminent métallurgiste, à un forgeron d'Iran réputé pour son habileté. L'homme lui répond : « Fer et acier sont deux espèces aussi différentes que le saule et le chêne. » Ainsi se trouvaient mis face à face l'homo sapiens de la seconde moitié du xxe siècle, capable de relier l'observation instrumentale de la structure des métaux à la somme des connaissances acquises sur l'état solide, et l'homo faber, héritier des artisans qui ont fait l'histoire de leurs mains, et qui, sauf en Chine, n'ont eu d'interlocuteur valable qu'à partir du xviiie siècle. L'industrie métallurgique s'est fondée sur l'expérience, l'audace, l'ingéniosité ; elle est déjà implantée dans l'Ancien et le Nouveau Monde alors qu'on ignore encore le rôle du carbone dans le fer.
Dès ses débuts, la métallurgie est une aventure : l'homme puise dans l'écorce terrestre les matières dont il va tirer successivement sa parure, ses outils, ses armes, avant de s'engager dans de vastes constructions. Quelle que soit la région du globe considérée, les étapes à franchir pour chaque métal seront à peu près les mêmes, mais leurs dates, leur succession, leur nature varient considérablement, suivant les peuples, leur mode de vie sédentaire ou nomade, les ressources minières qu'ils découvrent, les échanges, l'organisation des sociétés.
Tout au long de l'histoire, l'essor des industries sera motivé par des soucis de qualité et de quantité des produits fabriqués, produits de plus en plus diversifiés pour répondre aux besoins et aux ambitions des civilisations.
Les premiers âges
Les métaux natifs
La première rencontre de l'homme et du métal se situerait – il y a quelque dix ou onze mille ans – au bord d'un torrent alluvionnaire, dans le massif d'Elbourz ou celui du Taurus. À la recherche de galets chatoyants, l'homme vit briller une pépite d'or qui n'était pas une pierre comme les autres, ni par son aspect, ni au toucher.
Une autre pierre, moins brillante, plus rouge, pliait aussi sous les doigts : le cuivre. Bien avant de connaître l'action du feu, l'homme apprécia les qualités mécaniques du métal, et réussit d'autant mieux à marteler or et cuivre natifs qu'ils étaient très purs.
Fortuite, croit-on, la découverte majeure du recuit (cf. métallurgie – Traitements thermiques) serait associée à la chute d'un bijou dans un foyer ; bientôt, martelage à la pierre et chauffes dans l'âtre seront alternés.
On estime qu'en Asie Antérieure et jusqu'aux îles de la Méditerranée orientale les métaux passent de la parure – où ils voisinent avec les pierres – aux petits accessoires (épingles, crochets, hameçons) où ils détrôneront l'os, du début du VIIe millénaire au début du Ve.
L'extraction du cuivre
L'une des tribus qui s'établit dans le pays de Sumer, dans le delta du Tigre et de l'Euphrate, apporta avec elle, vers l'an 4300 avant J.-C., un métal rouge – le cuivre – extrait d'une pierre bleue, sans doute un carbonate. Considéré comme une manière de sorcier, le forgeron sera bientôt dispensé des travaux agricoles (attitude que les ethnographes ont pu retrouver de nos jours dans des sociétés traditionnelles).
Le cuivre pénètre en Égypte avec les apports de l'est. Au Fayoum, vers l'an 3600 avant J.-C., on trouve des outils en cuivre pour trancher bois ou cuir. Vers l'an 3000, au bord du Nil, le cuivre est franchement utilitaire ; il est extrait de la mine, tandis que les métaux natifs, l'or, l'argent, plus rare encore, sont réservés à la parure, comme le fer météoritique (soit l'alliage fer-nickel à 5 ou[...]
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Écrit par
- Adrienne R. WEILL : conseiller scientifique du laboratoire du musée du Louvre
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