MÉTALLURGIE
Les techniques déchiffrées au laboratoire
L'examen du métal – quels que soient sa nature et son âge – commence sous le microscope où en première lecture se discerne la structure métallographique : arrangement polycristallin résultant de la solidification, disposition des inclusions ou précipités, éventuellement déformation des grains correspondant à telle ou telle action mécanique. S'il y a lieu, l'information première sera complétée par microscopie électronique, diffraction de rayons X, analyse par microsonde électronique, mesures de microdureté, etc. Dans tous les cas, l'ensemble des observations est confronté avec l'analyse chimique.
Sauf s'il s'agit de déchiffrer une fracture, tout échantillon, avant d'être exploré au microscope, est poli et attaqué ; ainsi apparaît sa structure sur laquelle se reflète la lumière, spectacle dont l'observateur oublie aujourd'hui la beauté au bénéfice de l'information scientifique. Pourtant, il a répété les gestes de l'armurier de Damas qui a su profiter des hétérogénéités visibles de ses aciers pour assurer aux armes une décoration et une efficacité qui ont fait leur réputation.
Avant les études de laboratoire du xxe siècle, on a confondu le damas de cristallisation, le vrai, et le damas d'assemblage. C. S. Smith a longuement discuté cette question qui intéresse l'histoire : de 1773 à 1821, tous les essais de reproduction des vrais aciers damassés ont échoué, en Suède, en France, en Angleterre, faute de comprendre le rôle du carbone dans la cristallisation de l'acier. Selon cet auteur, le vrai acier de Damas, fabriqué en Islam depuis le viiie siècle, est un acier à haute teneur en carbone dont la texture a pour origine une ségrégation dendritique résultant d'une solidification très lente de la première fusion, solidification suivie d'un forgeage conduit de manière à préserver la disposition des plages fortement et faiblement carburées, ce qui donne une structure lamellaire assez irrégulière. La structure composite du second est obtenue à partir d'un assemblage de fers doux et de fers carburés soudés en fagot, lequel est corroyé à plusieurs reprises, après pliages ou autres déformations, de manière à former des motifs visibles à la surface.
Cela n'est qu'un exemple de la puissance de l'examen de laboratoire : le microscope perce les « secrets » du passé, qu'il s'agisse des épées mérovingiennes, des kriss malais ou des sabres japonais, perfection du genre.
Encore faut-il préciser que la portée de l'observation dépend du degré de connaissance de l'observateur : Réaumur a tiré parti de ses expériences en entrevoyant les différentes qualités de cristallisation du fer doux, de l'acier, de la fonte décarburée ou non ; Henry Clifton Sorby a été le premier à juger de l'importance de la disposition des différents précipités dans l'acier (1863) : ses résultats sont passés inaperçus. Quinze ans après, Adolf Martens, par la même technique, suivit l'effet des traitements thermiques sur les aciers : le microscope devint outil de progrès.
Chaque technique de fabrication, d'observation, d'essai a sa propre histoire qui intéresse l'évolution de la métallurgie. On peut faire remonter l'observation des fractures à l'âge de la pierre taillée, et la voir revenir en 1956, à l'échelle du microscope électronique, sous le nom de microfractographie, pour reconnaître les causes de rupture d'une pièce en service. L'historien s'intéresse autant aux échecs qu'aux réussites, mais les témoins glorieux lui sont seuls transmis. Pourtant Smith, examinant un siglos persan (monnaie d'argent du ve siècle av. J.-C.), reconnaît sur sa face l'empreinte d'une fracture de bronze. Mieux encore, il peut estimer[...]
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Écrit par
- Adrienne R. WEILL : conseiller scientifique du laboratoire du musée du Louvre
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