MÉTAPHORE
La rhétorique moderne
À l'origine, l'établissement de cette nomenclature réside dans l'opposition entre « discours naturel » (un mode direct dans lequel la chose évoquée est transcrite purement et simplement par son nom) et « discours figuré » (un mode médiat où règne l'allusion qui, par une tournure plus ou moins proche et transparente, évoque la chose ou la notion). Dans le second cas, il s'agit donc de suppléer à un manque de la langue, ou de restituer à une idée, par le recours à une formulation détournée, la force qu'une usure a fait perdre à l'expression ; c'est ce qu'on appelle les tropes, c'est-à-dire, au sens strict, « manière de dire », et au sens dérivé « figure du discours ». La métaphore et la métonymie sont des tropes.
Fontanier sépare les tropes par correspondance, par connexion et par ressemblance. La désignation d'un objet par le nom d'un autre objet, existant séparément mais lié au premier par une relation privilégiée, constitue au sens strict la métonymie (la cause pour l'effet, l'instrument pour la cause, le contenant pour le contenu, le lieu pour ce qui s'y tient). Ces figures sont pour la plupart devenues si naturelles que leur caractère figuré n'est plus perceptible (« un premier violon » dans un orchestre renvoie au violoniste, non à l'instrument). Les tropes par connexion consistent dans la désignation d'un objet par le nom d'un autre objet avec lequel il forme un ensemble, l'existence de l'un se trouvant comprise dans l'existence de l'autre ; c'est la synecdoque, dans les termes classiques ; on l'appelle métonymie par extension ; ainsi le fer pour l'épée, le seuil pour la maison ou le foyer. La distinction entre les deux figures est souvent ténue, appréciée selon le degré de liaison ou d'inclusion des termes du trope, et on conçoit que des linguistes aient unifié ces deux catégories, d'autant plus qu'elles reposent sur l'extension plus ou moins grande d'une appartenance dans le signifié. Les tropes par ressemblance consistent à présenter une idée sous le signe d'une autre idée ne se rattachant à la première par aucun autre lien que celui d'une certaine conformité ou analogie ; ce sont les métaphores. Tant par l'étendue de son domaine que par l'absence de règles qui la constituent, la métaphore apparaît d'emblée comme un mode d'expression laissant toute liberté à l'imagination, à l'invention. La procédure métaphorique consiste ainsi à lier deux termes par une analogie et à substituer l'un des termes à l'autre. En réalité, ces deux opérations ne se succèdent pas selon une chronologie uniforme et continue, elles coexistent : il ne manque pas d'exemples qu'une métaphore ait fait découvrir une analogie inattendue.
Michel Deguy relève justement la difficulté essentielle de cette conception : dans sa répartition des métaphores en cinq « espèces », Fontanier se sert de la distinction entre animé et inanimé, en attribuant explicitement ou implicitement la qualité de « propre » à l'un des deux termes et celle de « figuré » à l'autre (« les roses de la pudeur » ou « le char de l'État »). Mais, à examiner les choses avec plus d'attention, on s'aperçoit que ce dualisme ne fonde pas la « puissance métaphorique » et que celle-ci joue en fait déjà de chaque côté de la distinction. Soit le vers de Racine que Fontanier utilise comme exemple de syllepse (figure dans laquelle un même mot est pris une fois dans un sens propre puis une seconde fois dans un sens figuré) : « Un père, en punissant, madame, est toujours père. » Et qu'il commente ainsi : « Un père, c'est-à-dire celui qui a la qualité, le titre de père : sens[...]
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Écrit par
- Jean-Yves POUILLOUX : ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, agrégé des lettres classiques, maître de conférences en littérature française à l'université de Paris-VII
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