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MÉTAPHYSIQUE

À la physique, qui étudie la nature, on oppose souvent la métaphysique. Celle-ci est définie soit comme la science des réalités qui ne tombent pas sous le sens, des êtres immatériels et invisibles (ainsi l'âme et Dieu), soit comme la connaissance de ce que les choses sont en elles-mêmes, par opposition aux apparences qu'elles présentent. Dans les deux cas, la métaphysique porte sur ce qui est au-delà de la nature, de la ϕ́υσις, ou, si l'on préfère, du monde tel qu'il nous est donné, et tel que les sciences positives le conçoivent et l'étudient.

Mais, précisément, ce qui est au-delà de la nature n'est-il pas inconnaissable ? L'ambition de fonder une métaphysique passe donc, aux yeux de beaucoup, pour chimérique, et le mot de métaphysique qui, selon certains philosophes, tel Descartes, désigne la connaissance à la fois fondamentale et suprême, est pris, par d'autres, en un sens dépréciatif. Dire qu'une question est métaphysique, n'est-ce pas avouer qu'elle est insoluble, et que ceux qui se consacrent à son étude ne pourront jamais nous offrir que verbiage et divagations ?

Il est donc d'abord nécessaire de considérer historiquement ce qu'a été la métaphysique, de préciser les sens divers que le terme a reçus, d'examiner les attitudes que les différents penseurs ont adoptées en ce qui concerne cette connaissance, effective ou prétendue. On pourra alors se demander si la métaphysique peut garder, à l'heure actuelle, un sens et une valeur.

L'Antiquité

Platon et l'au-delà des apparences

Platon - Athènes - crédits : AKG-images

Platon - Athènes

La notion de métaphysique, comme science de l'au-delà de la nature, résulte, à l'origine, d'une sorte de contresens sur le mot grec μετ̀α. L'ouvrage d'Aristote que nous appelons La Métaphysique a été nommé ainsi parce que, dans l'édition qu'en donna Andronicos de Rhodes, il faisait suite à la physique. Les livres qui le constituaient furent donc désignés par les mots : τ̀α μετ̀α τ̀α ϕυσικα. Plus tard, l'expression « métaphysique » signifia ce qui se trouve au-delà de la nature, bien que μετ̀α, qui veut dire après, ne puisse correctement recevoir le sens de : au-delà.

Mais si le terme « métaphysique » est relativement récent (métaphysique, en un seul mot, ne se rencontre pas avant le Moyen Âge), la notion qu'il désigne est fort ancienne. Dès l'Antiquité, vouloir atteindre ce qui est au-delà de la nature est, en effet, un des soucis majeurs des philosophes. Cela se voit déjà clairement chez Platon. Et sans doute la théorie platonicienne des Idées, sources et modèles de toutes choses, ne doit-elle pas être interprétée de façon naïvement réaliste, et comme si les Idées formaient une sorte de monde séparé. Platon, cependant, ne craint pas de parler du ciel des Idées et, par exemple dans le Phèdre, d'expliquer l'amour en disant que les âmes, ayant quelque souvenir des « choses du ciel », où jadis elles ont suivi le cortège des dieux, sont saisies d'enthousiasme et d'une sorte de délire dès que, sur cette terre, une beauté rencontrée les leur rappelle. La beauté est donc bien le signe d'un autre monde, situé « par-delà » le monde physique. Et le désir de retrouver cet autre monde sera, sous des formes diverses, le moteur de toute réflexion métaphysique. En son mouvement essentiel, la démarche de Descartes, s'élevant à Dieu, ne différera pas de celle de Platon.

D'autre part, Platon tend sans cesse à dépasser la connaissance scientifique (telle du moins qu'elle existe en son temps) vers la recherche des premiers principes. Il rêve d'une science absolue, totalement rationnelle, et sans mélange de sensible. Un tel projet est bien métaphysique : il se retrouvera chez tous les philosophes voulant découvrir les fondements derniers de la connaissance, ou désirant[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Institut (Académie des sciences morales et politiques)

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