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MÉTAPHYSIQUE

Actualité de la métaphysique

Hamelin, Husserl et Heidegger

Mais, de même qu'elle a résisté à la critique qu'en présentait Kant, la métaphysique survit à ses négations, marxistes ou positivistes. Il est de fait que la philosophie contemporaine est tout entière métaphysique, ou pénétrée de métaphysique. L'idéalisme d'Octave Hamelin est bien une métaphysique. On le trouve à la source de ce qu'en France on a appelé la « philosophie de l'esprit ». Hamelin, écrit René Le Senne, « enseigne expressément que rien ne peut s'introduire du dehors dans l'esprit, qui est tout et plus que tout ». Louis Lavelle réfléchit sur l'expérience de l'être qu'on peut trouver à l'origine de toute pensée. Gabriel Marcel essaie de cerner ce qu'il appelle le « mystère ontologique », et écrit un Journal métaphysique.

Les études de Husserl sur la « conscience donatrice originaire » et l'« intentionnalité » sont également métaphysiques. Et l'on sait quelle influence la phénoménologie de Husserl a exercée tant sur l'existentialisme allemand que sur l'existentialisme français : L'Être et le Néantde Sartre, la Phénoménologie de la perceptionde Merleau-Ponty sont bien des ouvrages de métaphysique.

Heidegger, il est vrai, s'efforce d'effectuer une remontée régressive vers les fondements de la métaphysique, fondements qu'il dit, de ce fait, non métaphysiques. Mais chercher les fondements de la métaphysique, explorer ce sol où plongent les racines de la métaphysique, ou, plus exactement, cette racine de tout savoir qu'est la métaphysique, c'est bien encore faire de la métaphysique. Soucieux du problème de l'être, Heidegger reproche sans doute à la métaphysique occidentale de l'avoir négligé. Cela revient à dire qu'il lui reproche de n'avoir pas été assez métaphysique, d'avoir hérité des préjugés d'une science réduisant le réel à un ensemble d'objets mesurables. Ce en quoi l'on peut penser que Heidegger méconnaît injustement le sens de l'être qu'avaient ses prédécesseurs. Mais on ne saurait nier que la pensée heideggérienne ne réponde au souci essentiel de la métaphysique.

Si donc, malgré les critiques dont elle est l'objet, malgré les attaques qu'elle subit de toutes parts, la métaphysique demeure vivante, il y a lieu de se demander ce qui lui assure cette vitalité. S'agit-il seulement de la permanence d'un besoin humain, de l'anxiété devant le mystère de la mort ou de la destinée ? Ou faut-il reconnaître à la métaphysique une valeur spécifique, telle que sa suppression ou son oubli entraîneraient une mutilation de l'homme ? La métaphysique se contente-t-elle de poser des problèmes ? Ou pouvons-nous découvrir une vérité en ses affirmations ?

Métaphysique et systèmes

Il faut d'abord en convenir : dans la mesure où elle prétend à la totalité, ou au savoir absolu, l'exigence métaphysique est en échec. Elle aboutit alors à la constitution de systèmes, et nul système n'a réussi à s'imposer. Ceux du xviie siècle ont engendré, chez les penseurs du siècle suivant, le scepticisme. Celui de Hegel a provoqué à la fois les protestations de Kierkegaard et les critiques de Marx. L'exigence métaphysique est exigence d'un savoir rigoureux, totalement démontré, et pouvant ainsi s'imposer à l'esprit de tous les hommes. Comment prétendre qu'un système puisse constituer un tel savoir, si les systèmes s'opposent entre eux, et si, au cours de l'histoire de la philosophie, les systèmes n'ont cessé de succéder aux systèmes ?

Mais il n'en faudrait pas conclure que l'échec des systèmes soit nécessairement l'échec de toute métaphysique. La croyance, fort répandue, selon laquelle il en est ainsi[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Institut (Académie des sciences morales et politiques)

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Platon - Athènes - crédits : AKG-images

Platon - Athènes

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