MÉTASTASES, médecine
Étapes du processus métastatique
Adhérence intercellulaire et dissémination des cellules tumorales
Pour qu'un groupe de cellules se détache d'une masse tumorale, il faut qu'il perde momentanément les connections qui le reliaient aux autres cellules tumorales, et donc que les molécules chargées de cette adhérence intercellulaire soient mises hors d'état de fonctionner normalement. Inversement, les étapes d'intravasation et d'extravasation sanguine et lymphatique sont précédées par une phase d'attachement des cellules tumorales aux cellules endothéliales qui bordent la paroi capillaire et cela grâce à l'expression de molécules d'adhérence spécifiques.
De nombreuses études montrent qu'un groupe particulier de molécules d'adhérence intercellulaire, appelées cadhérines, jouent un rôle central dans le détachement initial des cellules tumorales ayant un potentiel métastatique suffisant. Les cadhérines sont des composants transmembranaires des jonctions intercellulaires spécialisées que sont les jonctions adhérentes et les desmosomes. La perte ou la réduction d'expression de l'une d'entre elles, la E-cadhérine, présente sur les cellules de tous les types d'épithéliums, est un reflet fidèle de l'agressivité de la tumeur. Son taux d'expression sert aujourd'hui de facteur pronostique dans beaucoup de types de carcinomes. Le déficit en E-cadhérine peut être lié à des modifications génétiques (mutations) ou épigénétiques (diminution de la transcription du gène) mais peut aussi être dû à des mécanismes consécutifs à l'expression du gène dont elle dépend, comme la phosphorylation de la protéine, sa relocalisation à des sites autres que les zones d'adhérence intercellulaire, sa coupure enzymatique suivie du relargage du domaine extracellulaire de cette protéine membranaire. Son domaine cytoplasmique est un site d'interaction avec des protéines appelées α, β et γ-caténines. Celles-ci servent de relais pour l'ancrage des complexes d'adhérence au cytosquelette d'actine et aux assemblages multimoléculaires de signalisation cellulaire. Comme pour la E-cadhérine, une absence d'expression ou un dysfonctionnement de certaines de ces caténines peut être à l'origine de la malignité tumorale. Dans tous les cas, une manipulation génétique permettant la reconstitution d'un complexe cadhérine-caténines fonctionnel permet de réduire le pouvoir invasif des cellules déficientes.
Paradoxalement, d'autres membres de la famille des cadhérines, comme la N-cadhérine, seraient capables d'augmenter la mobilité cellulaire, source d'un pouvoir métastatique accru. On a par ailleurs pu noter à de nombreuses reprises que des carcinomes dépourvus de E-cadhérine fonctionnelle se mettent à exprimer la N-cadhérine, d'où l'idée que la substitution d'une cadhérine adhésive, comme la E-cadhérine, par une cadhérine facilitant la migration cellulaire, comme la N-cadhérine, favoriserait la métastase. La N-cadhérine peut également aider à l'adhérence des cellules tumorales en migration aux fibroblastes du tissu conjonctif et aux cellules endothéliales vasculaires, et contribuer ainsi à la dissémination tumorale par voie sanguine ou lymphatique.
Dans le complexe adhésif cadhérine-caténines, la β-caténine mérite une attention particulière. Cette protéine est, en effet, dotée de propriétés apparemment contradictoires selon qu'elle se trouve associée à la E-cadhérine dans les complexes adhésifs intercellulaires ou libre dans le cytoplasme. Le niveau de β-caténine libre cytoplasmique est étroitement contrôlé par deux types d'interactions : l'engagement de la β-caténine dans les complexes cadhérine-caténines et la liaison de la β-caténine au trimère APC/Axine/GSK-3. Dans ce dernier cas (fig. 2), la β-caténine est[...]
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Écrit par
- Brigitte BOYER : directeur de recherche au C.N.R.S.
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