MÉTAUX RARES

Métaux rares, métaux critiques

Les métaux rares constituent une palette riche de quelque cinquante éléments (fig. 1) dans laquelle puisent les métallurgistes pour élaborer de nouveaux matériaux, grâce en particulier à la conception assistée par ordinateur permettant aujourd'hui de prévoir leurs propriétés sans expérimentation préalable. Bien qu'ayant tous des applications spécifiques, ils constituent un groupe caractérisé par un ensemble de critères communs :

– Le critère quantitatif. Ces métaux sont produits en faibles quantités, de quelques tonnes jusqu'à 200 000 tonnes par an, ce qui les distingue des métaux industriels dont les productions dépassent le million de tonnes, voire le milliard de tonnes pour le minerai de fer.

– Le critère technique. Il s'agit majoritairement de sous-produits de l'industrie minière ou métallurgique, mais il existe toutefois des mines de métaux rares où ces derniers sont exploités en tant que produits principaux.

– Le critère économique. Ce sont des produits à valeur élevée, voire très élevée, principalement en raison du haut degré de pureté exigé par les applications, pouvant même atteindre 99,999 99 p. 100, comme pour l'arséniure de gallium (GaAs), important semi-conducteur de l'industrie électronique

– Le critère critique. Malgré leur faible chiffre d'affaires, leur importance industrielle peut être considérable en raison de la dépendance de nombreuses filières industrielles vis-à-vis de certains d'entre-eux.

– Le critère de comportement. Les marchés des métaux rares présentent de longues périodes calmes entrecoupées de crises qui se caractérisent par une flambée des prix pouvant aller jusqu'à provoquer une rupture d'approvisionnement, stade extrême de la pénurie.

Certains de ces métaux rares peuvent être soumis à de fortes contraintes, que ce soit au niveau de l'offre (risque au niveau d'un pays producteur monopolistique) ou de la demande (vulnérabilité d'une filière industrielle de haute technologie dans les pays consommateurs fortement dépendants de leurs importations, sans possibilité de substitution). Ainsi, de rares, certains de ces métaux deviennent critiques. L'Union européenne a élaboré en 2010 une liste de quatorze métaux rares qualifiés de critiques (fig. 2).

L'économie des métaux rares demeure sinon opaque, du moins très floue. Par opposition aux métaux industriels (fer, cuivre, zinc...), pour lesquels les marchés sont importants et les approvisionnements à la fois connus et assez transparents grâce à des statistiques fiables, le secteur des métaux rares est moins structuré et moins homogène, ce qui rend beaucoup plus difficile son analyse. Les marchés sont petits et opacifiés par de nombreux intermédiaires (négociants). De plus, il n'existe pas de place de marché permettant de procéder à des achats de précaution (dit de couverture), hormis le cobalt et le molybdène qui sont, depuis février 2010, cotés au London Metal Exchange (L.M.E.). L'ouverture du L.M.E. aux métaux rares est un signe de leur importance nouvelle. Toutefois, les avis divergent quant à la finalité des contrats à terme qui y seront échangés : s'agira-t-il d'une place de marché où les industriels consommateurs pourront se couvrir du risque de volatilité ou, à l'opposé, un nouveau lieu favorisant la spéculation ?

Les inquiétudes concernant la disponibilité en métaux rares n'est toutefois pas nouvelle. Dès 1939, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis avaient lancé le Strategic Materials Act (stockage de trente-neuf substances stratégiques), puis ils mirent en place en 1950 le Defense Production Act (autorisant une aide fédérale à la production minière et métallurgique nationale domestique). Ces dispositifs furent complétés en 1979 par la révision du Strategic and[...]