MÉTÉORITES
Composition isotopique des météorites
Avant 1973, il était d'usage de considérer que la composition isotopique des éléments contenus dans les météorites n'était pas différente de celle qui est mesurée dans des échantillons de matière terrestre, à l'exception des variations produites soit par des éléments radioactifs à vie courte piégés lors de la formation des météorites (129I, 244Pu), soit par des interactions nucléaires de spallation induites par le rayonnement cosmique sur les noyaux cibles des météorites, soit encore par des fractionnements de masse au cours de réactions physico-chimiques. En d'autres termes, l'homogénéité isotopique du système solaire était considérée comme une loi bien établie puisqu'elle était, semble-t-il, vérifiée pour les matériaux terrestres, lunaires et météoritiques.
Pourtant dès 1969, une anomalie isotopique avait été détectée dans le néon par D. Black et R. Pépin ; elle pouvait correspondre à une variété très enrichie en néon 22. En 1972, Black attribuait l'origine de cette composante de 22Ne (qu'il appela « Ne-E ») à une source extérieure au système solaire, en écrivant : « ... des grains de poussière, présents dans le nuage qui allait former le système solaire et qui n'ont pas été vaporisés, devaient contenir cette variété de néon E ». Cette première observation allait être vérifiée dans les années suivantes.
Actuellement, des anomalies isotopiques « primordiales » ont été détectées dans une quinzaine d'éléments chimiques tels que l'hydrogène, le carbone, l'azote, l'oxygène, le néon, le silicium, le calcium, le titane, le krypton, le strontium, le xénon, le baryum, le néodyme et le samarium. Un élément comme le xénon, qui possède de nombreux isotopes, peut être porteur de plusieurs « anomalies ». En revanche, pour des éléments ne possédant que deux isotopes (H, C et N), les « anomalies » peuvent être dues aussi bien à des fractionnements de masse qu'à des processus nucléaires, ou aux deux à la fois. Nous passerons en revue certaines des anomalies isotopiques détectées dans l'oxygène, l'hydrogène, le carbone, le néon et le xénon, car elles sont exemplaires, à maints égards, comme moniteurs des processus nucléosynthétiques en action dans notre Galaxie.
L'oxygène
L'oxygène est l'élément condensé le plus abondant du système solaire, et les anomalies isotopiques qu'il présente font intervenir le plus grand nombre d'atomes en valeur absolue. C'est pourquoi on a parlé d'anomalies à grande échelle, qui révèlent donc les phénomènes majeurs qui ont dû affecter le système solaire avant ou pendant sa formation. La découverte fondamentale a été faite en 1973 par R. N. Clayton, L. Grossman et T. K. Mayeda. En analysant les rapports 17O/16O et 18O/16O des trois isotopes de l'oxygène dans les inclusions riches en éléments réfractaires (Al, Ca et Ti) de la chondrite carbonée Allende, ces chercheurs ont observé des corrélations entre ces deux rapports isotopiques qui définissaient une droite de pente égale à 1. Or, il était connu que toute réaction chimique peut modifier la composition isotopique par des fractionnements de masse proportionnels à la différence relative des masses des isotopes. Dans le cas de l'oxygène, le fractionnement de masse sur le rapport isotopique 18O/16O devait être deux fois plus grand que celui qui était observé sur 17O/16O, et les corrélations notées à partir d'échantillons chimiquement différents auraient dû définir une droite de pente égale à 0,5 comme cela était le cas pour l'oxygène des roches terrestres et lunaires.
La droite de pente égale à 1 fut alors interprétée comme un mélange entre deux réservoirs, dont l'un avait la même composition isotopique que l'oxygène du système[...]
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Écrit par
- Mireille CHRISTOPHE MICHEL-LEVY : directeur de recherche au C.N.R.S.
- Paul PELLAS : directeur de recherche au C.N.R.S., co-directeur du laboratoire associé 286 (minéralogie des roches profondes et des météorites), C.N.R.S.
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