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MÉTHODE

L'hypothèse, l'induction et l'analogie

Une tradition empiriste, qui remonte à Bacon, donne l'hypothèse pour un produit d'observations répétées. On trouverait la loi en généralisant à partir de faits. Plutôt que comme une opération logique, mieux vaudrait regarder l'induction comme un acte d'invention : l'esprit s'arrête sur une des propriétés que l'expérience lui a suggérées et introduit une conception que ne contient aucun des faits observés. La conception induite ou l'hypothèse inductive est « surajoutée aux faits » (Whewell) : l'intelligence voit la réalité sous un nouveau jour. L'induction une fois introduite n'est plus séparable des faits, et c'est ce qui nous trompe : elle a effacé ses propres traces.

L'induction est ordinairement prise à l'envers. Nous nous étonnons qu'elle nous conduise à découvrir des lois, des espèces, des genres... C'est parce qu'il y a, dans la nature, des lois, des espèces, des genres, que nous pouvons faire des inductions correctes. Cela étant, nous ne serons pas surpris que la recherche de règles de l'induction, semblables à celles de la logique déductive, ait été vaine. Nous ne connaissons pas de logique ni de système de règles universelles qui justifierait les bonnes inductions ou distinguerait les correctes des incorrectes, et il est probable qu'il n'y en a pas. Un argument rapide consiste à dire qu'il n'y a pas, pour l'induction, de procédure de preuve à partir des faits, parce que, d'une part, induire équivaut à inventer une conception nouvelle, qui, par définition, ne peut pas être dans les faits, et que, d'une autre part, contrairement à ce qu'enseigne Bacon, il n'existe pas de méthode d'invention ni de logique de la découverte. Les logiciens ont faussé l'induction en voulant la comprendre comme une preuve. L'induction n'est pas une preuve, étant une invention. La preuve de l'induction vient après l'induction. Une telle preuve pourra être de deux sortes : soit une déduction de l'hypothèse à partir d'une théorie plus forte, soit la concordance entre les descriptions de faits qui se déduisent de l'hypothèse et les faits observés. En particulier, la capacité d'une hypothèse d'expliquer ou de prédire des données différentes de celles en vue de quoi elle a été formée crée en sa faveur une grande présomption. Dans les cas de « consilience » des inductions, l'hypothèse s'ajuste d'elle-même à des cas nouveaux : ainsi lorsque la loi de gravité, qui doit expliquer la chute des corps à la surface de la Terre, explique aussi les trajectoires des planètes. À Mill, qui objecte que la consilience n'est pas un critère logique, Whewell répond : « Tant pis pour la logique. »

L'induction est le terme final d'une suite de pensées, une création qui s'effectue dans la pensée d'un sujet. L'analogie, de quelque manière qu'on la conçoive, est d'abord du côté de l'objet. (Un « raisonnement par analogie » est une induction qui s'appuie sur une ressemblance, et qui étend une propriété de couples d'êtres observés à des couples d'êtres inobservés ; comme il relie des choses qui tombent sous des concepts différents, il n'a aucun statut logique ni ensembliste.) Plus ontologique que l'induction, l'analogie résulte de ce que des propriétés peuvent être indépendantes de leur substrat matériel. C'est ce qui a souvent lieu pour les formes. P. Stevens a recensé des formes (craquelures, écoulements, spirales, tourbillons, etc.) qui apparaissent dans des milieux naturels très différents : ce sont là des similitudes ou des similarités, c'est-à-dire des ressemblances de configuration. Mais l'analogie peut ne pas se livrer à l'observation ni à la [...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université Paris-XII-Val-de-Marne, Créteil

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