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MÉTRIQUE

La métrique est l'étude des régularités systématiques qui caractérisent la poésie littéraire versifiée, qu'il s'agisse des formes de vers (mètre), de groupes de vers (strophe) ou de poèmes entiers (forme fixe). Son domaine peut s'étendre à des régularités de type musical qu'on trouve dans le domaine du slogan, du folklore enfantin (comptines) comme de la chanson, car la théorie métrique doit reconnaître ce qui distingue la poésie du chant, et ce qui les apparente.

Un révélateur de la mesure et du sentiment de la régularité métrique est le sentiment inverse du boiteux ou du faux, qui apparaît quand quelqu'un s'écarte tout à coup de la régularité d'un rythme en chantant à contretemps, en ajoutant une syllabe à un vers, etc. La surprise causée par l'écart prouve l'attente de la régularité chez celui qui l'éprouve ; inversement, l'incapacité de repérer un écart subit par rapport à une régularité témoigne du fait que cette régularité n'était pas nettement perçue. Or une caractéristique assez générale des textes métriques traditionnels (chant, poésie) est que leur organisation métrique est sensible sinon à n'importe qui, du moins à un certain public à qui ils sont destinés : par exemple, il est exceptionnel qu'un poète écrive toute une série de vers « en comptant sur ses doigts » (au lieu de se guider par instinct), et en prévoyant que ses lecteurs pourront tout au plus vérifier par calcul la régularité de ses vers, sans la sentir spontanément. Ainsi la métrique étudie des régularités des textes non simplement en elles-mêmes, mais en tant qu'elles sont objet de perception, et par ce côté elle peut relever de la psychologie.

Ayant pour objet des régularités perçues, l'analyse métrique ne peut pas ignorer les conditions culturelles de production et de consommation des textes versifiés. On parle souvent « du » rythme d'un texte en oubliant que, puisqu'un texte peut être appréhendé de multiples façons, il risque d'exister autant de rythmes (virtuels) de ce texte que de façons de le saisir. C'est notamment vrai de la lecture, donc de la littérature écrite ; par exemple la saisie oculaire peut favoriser une certaine liberté dans le découpage du texte. Quand on lit ces paroles : « Léandre le sot, Pierrot qui d'un saut de puce franchit le buisson, Cassandre sous son capuce », on peut lire de la prose, alors que Verlaine, dans Colombine (1869), a fait de ces mêmes mots des vers rimés en sizain, en les publiant comme ceci :

Léandre le sot, Pierrot qui d'un saut De puce Franchit le buisson, Cassandre sous son Capuce...

On voit ici le rôle de la typographie spéciale qui, dans la poésie écrite, délimite clairement les vers, et souvent les strophes, imposant ainsi le découpage qui permet au lecteur de percevoir distinctement le rythme de ces unités métriques. Sans cette présentation spécialisée (passage à la ligne, initiales majuscules, jeu de marges), la mesure des vers et leurs rimes, n'étant pas toujours perceptibles, seraient souvent comme si elles n'existaient pas. L'analyse métrique des textes peut donc impliquer l'étude de la manière dont la perception est conditionnée par leur présentation, écrite ou orale suivant le cas.

À plus forte raison l'analyse métrique doit-elle tenir compte de la différence de statut entre ce qui est appréhendé par lecture et ce qui l'est par audition, et, dans ce dernier cas, entre ce qui est chanté, ou dit suivant un rythme déterminé, et ce qui ne l'est pas, etc. C'est une source de confusion dans la théorie métrique que de prendre les paroles imprimées de la Chanson de Roland ou d'une comptine comme Une souris verte pour le chant ou la comptine eux-mêmes, en négligeant le support musical. Une des tâches préalables de la[...]

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Superstructure métrique - crédits : Encyclopædia Universalis France

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