- 1. D'innombrables poids
- 2. Les mesures de longueur et de surface
- 3. Mesurer, peser, compter
- 4. Mesures des liquides
- 5. Des mesures fonctionnelles
- 6. Métrologie, fraudes et privilèges
- 7. De multiples tentatives d'unification
- 8. L'installation du système métrique décimal
- 9. Des survivances des anciens systèmes
- 10. Bibliographie
MÉTROLOGIE HISTORIQUE
Mesurer, peser, compter
Mesurer et peser, c'est déjà compter et, par conséquent, introduire la logique de l'arithmétique (et l'harmonie des nombres) dans ce qui passait pour le chaos inorganisé. C'est le nombre qui introduit l'ordre, le rapport exact entre mesures et poids. Les poids et mesures en usage en un lieu sont issus de systèmes numériques stables, organisés sur des progressions géométriques simples procédant par doublement de l'unité. Dans la numération, les Romains avaient utilisé sept chiffres : I, V, X, L, C, D, M ; aux Indiens, les Arabes en empruntèrent neuf, auxquels le Moyen Âge eut l'excellente idée d'ajouter le zéro. Les numérations sont classées suivant leurs subdivisions, leurs caractères de divisibilité. On a alors plusieurs séries possibles :
– série 2n, ou 2, 4, 8, 16, 32, 64, ..., en fonction des puissances de 2 ;
– série 2n × 3n, ou 6, 12, 24, 48, ..., en fonction de la divisibilité par 2, 3, 4, 6, etc. ;
– série 2n × 5n, ou 10, 20, 30, 40, ..., en fonction de la divisibilité par 2 et 5.
La série qui fournit les éléments de divisibilité les plus nombreux est bien entendu la seconde, qui donne seule la possibilité de prendre la moitié, le tiers, le quart et le système à base 12, ou duodécimal (qui coexistait souvent avec des divisions binaires et décimales), parce qu'il était pratique, fut couramment adopté. Dix et ses multiples (100 et 1 000) n'étaient pas absents, comme le prouve l'existence du quintal de 100 livres (ou cantar, du latin centenarium) et du millier de livres, très fréquent dans le commerce de gros, notamment le commerce maritime.
Certains, ainsi qu'en témoigne le système anglais ou 1 stone pesait 14 livres, 1 quarter 28 livres et 1 hundredweight 112 livres, restaient attirés par le chiffre parfait 28, égal à la fois à la somme des chiffres de 1 à 7 (1 + 2 + 3 + 4 + 5 + 6 + 7) et à la somme de ses diviseurs dans une progression géométrique initiée par 7 : série 1 + 2 + 4 + 7 + 14, et qui se poursuit, au-delà de 28, par 56 et 112.
Les tenants du système décimal font valoir que 10 est le nombre des doigts des deux mains, sur lesquels l'enfant apprend facilement à compter. Certes, mais 28 est le nombre de ses phalanges et autorise d'emblée presque trois fois plus de possibilités, 28 au lieu de 10, ce qui est important pour les opérations les plus courantes, addition et soustraction. Ce nombre de 28, sans rappeler ici la force de la tradition pythagoricienne, très vivace au Moyen Âge auquel elle fut transmise par diverses écoles de pensée, par Isidore de Séville, Boèce, Raban Maur ou la règle bénédictine, est aussi lié à la vie, au corps féminin, à la naissance : il est plus exact de considérer que l'enfant naît au terme de 10 cycles de 28 jours, soit le 281e jour, plutôt qu'à 9 mois solaires, dont on ne dit pas s'ils ont 30 ou 31 jours.
La progression à base 7 demeure également présente dans notre vie quotidienne par un autre aspect, économique cette fois. Pourquoi le baril de pétrole, qui contient 42 gallons U.S., fait-il 159 litres ? Le chiffre 7 donne la réponse : en Angleterre, dès le temps de la Grande Charte en 1215, il existait plusieurs mesures du gallon, une pour les grains, une deuxième pour le vin, la troisième pour la bière. À la fin du xviie siècle, ces mesures se maintenaient avec les valeurs données dans le tableau.
La mesure fondamentale était le gallon de grain, égal à 1/8 boisseau. Ce boisseau avait pour dimensions H (hauteur) = 14 pouces et D (diamètre) = 14 pouces. Le gallon de grain avait donc pour dimensions H = D = 7 pouces et, par conséquent, un volume V = 269 pouces cubes. Si on réduit sa hauteur d'un pouce, on a H = 6 pouces et V = 231 pouces cubes (D étant constant). Le gallon de vin de 231 pouces cubes multiplié[...]
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Écrit par
- Jean Claude HOCQUET : professeur émérite des universités de Venise et Lille, directeur de recherche émérite (C.N.R.S. Paris)
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Médias