- 1. D'innombrables poids
- 2. Les mesures de longueur et de surface
- 3. Mesurer, peser, compter
- 4. Mesures des liquides
- 5. Des mesures fonctionnelles
- 6. Métrologie, fraudes et privilèges
- 7. De multiples tentatives d'unification
- 8. L'installation du système métrique décimal
- 9. Des survivances des anciens systèmes
- 10. Bibliographie
MÉTROLOGIE HISTORIQUE
Mesures des liquides
D'autres exemples illustrent le caractère fonctionnel des anciennes mesures, notamment celui des tonneaux d'huile et de vin. L'huile fut longtemps pesée et l'unité de poids la plus petite du grand commerce (commerce à grand rayon et commerce de gros) était de 28 livres pesantes, dont 10, soit 280 livres, constituaient la somme (salma), qui était elle-même l'unité de transport des animaux portant les charges sur leur dos, les bêtes de somme. Quand il s'agissait de liquides, la somme était répartie en deux tonneaux placés sur le bât, sur les flancs de l'animal. Une somme de 280 livres net pèse 131 kg net dans les pays du Rhin supérieur ou moyen, qui dépendaient du transport transalpin. La demande d'huile et de vin, produits méditerranéens, était forte dans toute l'Europe du Nord. L'huile est plus légère que le vin, selon un rapport de 9 à 10, soit 900 g/l pour l'huile et environ 993 g/l pour le vin. Un poids de 131 kg d'huile exige un « tonneau » de compte de 146 l réparti, pour le transport, en 2 futailles de 73 l environ. Pour le vin, on se contentait de la futaille de 131 litres. La différence de volume produisait une égalité de poids entre les deux récipients emplis l'un d'huile, l'autre de vin. La somme était une unité de masse calculée à la limite de la capacité de travail de l'animal en fonction des difficultés du parcours. Sur les routes de montagne, l'âne portait net 120 kg, le cheval 136 kg. Il faut bien entendu tenir compte du poids de la futaille (la tare) qui, pour de petites barriques, ajoutait 10 p. 100 au poids net de la marchandise, si bien que la considération des capacités de travail de l'animal a conduit les hommes à calculer des barriques de 120 l pour le vin et de 134 l pour l'huile quand l'animal de transport était l'âne, de 136 et 151 l pour le cheval.
Cependant, même dans les villes qui ne dépendaient pas du commerce caravanier par bêtes de somme, on retrouve des unités semblables. La feuillette de vin dite d'entrepôt contenait 136,974 l à Paris. Ce contenu paraîtra aberrant à des lecteurs instruits dans le système métrique décimal, mais la feuillette répondait elle aussi à une arithmétique savante. Elle pesait même poids que 280 livres d'eau de pluie (au poids de Paris de 489,506 g la livre), soit 137,062 kg. Enfin, le cube de 4 pieds du roi (pieds cubes) rendait un volume de 137,109 l. Il est clair qu'un tel système repose sur la divisibilité par 10 (système décimal) et plus encore par 28 (280 = 10 × 28). Il est non moins clair que tous ces volumes (mesures de capacité) étaient fondés à l'origine sur une mesure de longueur, celle du pouce pour les mesures anglaises, ou du pied sur le continent, et entraient dans des systèmes dits « clos » pour lesquels elle était l'unité fondamentale dont la connaissance livrait les unités de surface et de volume. Cela n'a rien pour surprendre, ni chez les Romains dont l'héritage subsiste presque intact au Moyen Âge, ni chez les Carolingiens, leurs héritiers les plus directs en Occident. Que ces mesures se soient par la suite modifiées, au temps du morcellement féodal en particulier, est incontestable ; qu'on ait souvent tenté de retrouver l'unicité du système en rétablissant le rapport fondamental : 1 minot = 1 pied cube, les exemples abondent.
Le mot « tonneau », hors de l'acception « tonneau de mer », n'a en fait aucun sens précis en métrologie. Dans la vinification, il désigne une vaste cuve, sans capacité fixe, inamovible dans le chai, dans laquelle le vigneron laisse mûrir le vin de la vendange. Dans le transport, à supposer qu'il ait jamais servi, il a fini de disparaître au début du xive siècle et laissé la place à la pipe (1/2 tonneau) ou à la barrique (1/4 tonneau).[...]
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Écrit par
- Jean Claude HOCQUET : professeur émérite des universités de Venise et Lille, directeur de recherche émérite (C.N.R.S. Paris)
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Médias