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MÉTROLOGIE HISTORIQUE

De multiples tentatives d'unification

L'usage du comble fut peut-être généralisé entre le xive et le xviie siècle, quelquefois pour ajouter un petit supplément « par-dessus le marché » ou pour offrir une compensation à ceux qui, ne pouvant acheter à grosses mesures et bénéficier des prix de gros, étaient toujours condamnés à payer le prix fort en achetant à petites mesures. Les moines de Marmoutier se servaient pourtant à la fin du xviie siècle, pour leur devoir de charité et les aumônes de vin aux pauvres, d'une pinte plus petite que l'étalon de l'abbaye, mais, s'agissant de percevoir les dîmes en vins et grains, ils utilisaient un boisseau de fonte plus grand que la mesure « du roy à Tours », autre avatar de l'attitude consistant à donner à la petite mesure et à recevoir à la grande. À l'inverse, il était fréquent que l'on vendît comme à La Ferté-Milon, où « le vendeur à chaque setier ou six pichets qu'il vend donne un des six pichets à comble ». De même à Mâcon, en 1656, « ladite mesure à blé appelée coupe, dont les 18, la dernière étant comble, font l'asnée de Mâcon ». On voit combien les contemporains étaient sensibles à la distinction entre mesure réelle, pichet ou coupe, et mesures de compte, leurs multiples, setier et ânée.

Quand s'était désagrégée l'autorité centrale, les droits de poids et mesures avaient été accaparés par les seigneurs qui établirent leur monopole dans chaque seigneurie et s'approprièrent la police des poids et mesures. Le seigneur, par la police des foires et marchés, imposait sa mesure à ses sujets et percevait des taxes, dites d'aunage, minage et pesage, pour l'usage des mesures de longueur, de capacité et de masse. La hiérarchie du régime seigneurial (pyramide de pouvoirs) était cependant respectée : le moyen justicier était autorisé par la coutume à « bailler » les mesures à ses sujets, si lui-même conformait ses mesures particulières à l'étalon de son suzerain. La royauté qui rétablissait son autorité a cherché à limiter les abus en restreignant ce monopole économique : en Touraine, en 1507, le souverain se contenta d'exiger du seigneur qu'il ait un seul étalon dont il ne pouvait modifier la contenance ; en 1559, il lui imposait de mettre cet étalon en dépôt à l'hôtel de ville ou au tribunal royal.

Les variations des poids et mesures se trouvaient accrues par les matériaux utilisés à leur fabrication. Elles s'usaient, étaient hors d'usage, « gastées par la rupture des bords et du fond », les étalons de métal s'oxydaient, à chaque réparation le rabattage des cercles diminuait la contenance des tonneaux, les boisseliers fabriquant les petites mesures se plaignaient de n'avoir pas de bois assez souples pour reproduire les étalons de métal moulé.

D'innombrables procès montraient la nécessité de s'en rapporter à une mesure invariable, la mesure du roi, l'étalon auquel on confronterait les mesures seigneuriales. Les souverains de la Renaissance, François Ier et Henri II, cherchèrent à unifier le système. En 1558, à la demande des états généraux, Henri II décida de commencer par la capitale et ses environs. Il n'y aurait plus qu'un seul étalon du boisseau, conservé à l'Hôtel de Ville. Mais, en province, les agents du roi ne réussirent à imposer, en Touraine par exemple, que le seul étalon de la mesure de longueur, l'aune royale de Tours. Ils avaient essayé de généraliser l'emploi du setier de Tours, sans succès : en 1668, un arrêt du Conseil du roi prescrivait la conformité des mesures des seigneurs à celles du plus prochain marché, avec un dépassement toléré d'un cinquième, soit 20 p. 100. C'était une capitulation.

Colbert réalisa une première réforme en choisissant de nouveaux[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite des universités de Venise et Lille, directeur de recherche émérite (C.N.R.S. Paris)

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