- 1. D'innombrables poids
- 2. Les mesures de longueur et de surface
- 3. Mesurer, peser, compter
- 4. Mesures des liquides
- 5. Des mesures fonctionnelles
- 6. Métrologie, fraudes et privilèges
- 7. De multiples tentatives d'unification
- 8. L'installation du système métrique décimal
- 9. Des survivances des anciens systèmes
- 10. Bibliographie
MÉTROLOGIE HISTORIQUE
L'installation du système métrique décimal
Le progrès de l'esprit scientifique à partir du xviie siècle avait rendu plus sensible aux populations le chaos des poids et mesures et les difficultés qu'il engendrait. Pour les marchands, c'était un casse-tête permanent : ils devaient, pour établir leurs prix et déterminer leurs profits, calculer à la fois les équivalences des poids et mesures du lieu où ils achetaient dans les unités du marché sur lequel ils vendaient, et les changes monétaires entre ces deux places. Même hors des échanges avec l'étranger, les difficultés étaient innombrables. Ainsi le système ancien des mesures de surface, fait de toises, pieds, pouces et lignes carrés, d'arpents, acres ou journaux, contraignait à une gymnastique redoutable. La toise carrée contenait 36 pieds carrés, celui-ci 144 pouces carrés, le pouce carré 144 lignes carrées et la ligne carrée 144 points carrés, « en sorte qu'après avoir additionné des points, il fallait diviser le total par 144 pour trouver des lignes et faire ainsi 5 additions, 4 divisions, 4 soustractions pour opérer une seule addition de toises carrées ».
Un système simple et naturel
Le rapport décimal, ou rapport de 10 à 1, fut retenu pour diviser et sous-diviser les nouvelles mesures. Il rendait les calculs simples et faciles en supprimant les calculs fragmentaires des fractions, désormais calculées comme des nombres entiers. Une fois précisé le nombre en chiffres, il suffit d'y adjoindre l'unité de référence ou son abréviation, puis, après la virgule, les chiffres qui désignent les parties décimales : le système décimal dispense de l'énumération des subdivisions. Il abrège l'expression écrite et simplifie la disposition. Dans l'ancien système, il fallait écrire les diverses unités : on vendait pour x livres, y sous, z deniers une quantité de m muids, s setiers, m′ minots. Le conventionnel Prieur de la Côte-d'Or portait au crédit un nouveau système : « si l'on considère les mesures d'un même genre rangées par ordre de décroissement, chacune est dix fois plus petite que celle qui la précède immédiatement et dix fois plus grande que celle qui la suit ».
Le nouveau système rendait accessibles à tous les calculs, et notamment ceux des prix, alors que : « jusqu'à présent il leur a fallu s'en rapporter à d'autres sur ces objets, ou y renoncer entièrement ».
La décimalisation introduisait une véritable révolution dans le calcul des surfaces et des volumes. Tout passage d'une surface multiple à une sous-multiple et vice versa s'opère par simple glissement de la virgule décimale de deux rangs, de trois rangs s'il s'agit de volume.
C'est là le très grand intérêt du système métrique décimal, dans l'optique de l'histoire économique et socioculturelle. Les scientifiques insistent sur un autre aspect : le système nouveau repose sur la mesure d'une partie du méridien terrestre, et La Condamine observait en 1747 : « Il n'y a qu'une mesure puisée dans le sein de la nature, une mesure constante, inaltérable, vérifiable dans tous les temps, qui puisse par ses avantages arracher le consentement de tous les peuples. » Cet élément est fondamental : le nouvel étalon est vérifiable et reproductible partout, il a donc vocation à l'universel. En avril 1791, Condorcet écrivait au roi de Pologne pour le prier d'adopter dans ses États le système introduit en France par la Constituante : « Elle [V.M.] en verra un autre [avantage] plus important encore, une égalité plus grande entre les diverses classes, un moyen de placer au même niveau, dans un très grand nombre de transactions de la vie commune, l'homme qui a pu recevoir une éducation et celui dont le soin de sa subsistance a occupé l'existence entière. Ce dernier genre d'utilité doit surtout frapper un roi qui, placé dans un pays où d'anciens[...]
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Écrit par
- Jean Claude HOCQUET : professeur émérite des universités de Venise et Lille, directeur de recherche émérite (C.N.R.S. Paris)
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Médias