MÉTROPOLITE
Le titre de métropolite, qui ne correspond pas exactement à celui de métropolitain dans l'Église latine, bien qu'il soit actuellement employé en un sens assez large dans l'orthodoxie, appartient, à l'origine, à l'ecclésiologie russe. Son histoire a été d'abord marquée par l'importance qu'ont eue, en Russie, les sièges métropolitains de Kiev, puis de Moscou.
Dès la reconnaissance par saint Vladimir du christianisme comme religion officielle de l'État kiévien (989-990), une organisation ecclésiale est mise en place, ayant à sa tête un métropolitain qui réside à Kiev, capitale politique de la principauté. Toutefois, le silence des sources russes sur ce chapitre jusqu'à la nomination du métropolite Théopempte (1039) a donné lieu à diverses hypothèses sur la situation canonique de l'Église russe du début du xie siècle ; les recherches les plus récentes attestent cependant l'existence, dès l'origine, d'une métropole établie sous la dépendance du patriarcat de Constantinople. Généralement détenu par des prélats grecs nommés par celui-ci, le siège métropolitain de Kiev constitue un élément d'unité, en un temps où les structures politiques sont de moins en moins centralisées. Le centre de gravité politique est transféré à la fin du xiie siècle dans le nord du pays ; les métropolites prennent l'habitude de résider dans la nouvelle capitale, Vladimir, sur la Kliazma, et s'y établissent définitivement en 1300. Là, le siège métropolitain (qui porte le titre de Kiev jusqu'au milieu du xve siècle) est amené à suivre les vicissitudes politiques locales et son destin se trouve ainsi lié à celui de la dynastie moscovite.
Dès le deuxième quart du xive siècle, la résidence du chef de l'Église russe est Moscou, et les titulaires du siège métropolitain deviennent les alliés fidèles des princes de cette ville. En même temps, leur éloignement de Constantinople leur confère un pouvoir de fait beaucoup plus large que celui de la plupart des métropolitains de l'Église grecque. Mais la dépendance vis-à-vis des grands-princes de Vladimir-Moscou rend difficile, pour le métropolite, l'administration des diocèses situés dans les territoires occidentaux et n'appartenant pas à l'État moscovite. Aussi, dès le début du xive siècle, assiste-t-on à des tentatives pour créer un siège métropolitain en Galicie, et surtout dans la grande-principauté de Lituanie. Les multiples querelles engendrées par cette situation et qu'alimentent les rivalités des partis à Byzance occupent tout le xive siècle et atteignent leur phase critique sous le règne de Dmitri Donskoï (1359-1389), à l'époque où deux « métropolites de toute la Russie » (le titre apparaît à ce moment-là) essaient de refaire l'unité de l'Église russe, l'un au profit de Moscou (Alexis et ses successeurs), l'autre au profit de la Lituanie (Cyprien). C'est seulement en 1390 que ce dernier parvient à se faire accepter par le prince de Moscou et à reconstituer l'unité de la province ecclésiastique. Cette unité est à nouveau compromise en 1441 par l'expulsion hors de Moscou du métropolite Isidore qui venait de signer l'Union de Florence.
La première conséquence de cet événement est la séparation des deux parties de l'Église russe : à partir de 1458, et jusqu'en 1685, la métropole de Kiev en territoire lituano- polonais suit son propre destin sous l'obédience du patriarcat œcuménique. La seconde est l'indépendance du siège de Moscou, consacrée en 1448 par l'élection d'un métropolite, et qui n'obtient pas la sanction du patriarche œcuménique effectuée malgré les réticences du grand-prince Basile II. Cette indépendance de l'Église russe sera légitimée en 1589, avec l'accord des Églises grecques, par l'érection du siège métropolitain[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Wladimir VODOFF : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
Classification
Autres références
-
AUTOCÉPHALES ÉGLISES
- Écrit par Hervé LEGRAND
- 1 043 mots
L'autocéphalie (du grec autoképhalos, « qui est sa propre tête ») est le régime canonique qui règle les rapports institutionnels existant entre les diverses Églises sœurs dont se compose l'Église orthodoxe. Deux traits caractérisent ce régime : le refus d'une primauté de...
-
MÉTROPOLITAIN, ecclésiologie
- Écrit par Hervé LEGRAND
- 239 mots
Ce terme désigne, dans l'Église latine, l'archevêque qui est à la tête d'une province ecclésiastique. Du fait de l'adoption par l'Église antique du principe d'accommodement qui lui fit calquer son organisation, à quelques exceptions près, sur les divisions administratives de l'Empire,...
-
ORIENT ÉGLISES CHRÉTIENNES D'
- Écrit par Irénée-Henri DALMAIS et Hervé LEGRAND
- 6 560 mots
- 2 médias
...origines, bien qu'elle soit demeurée jusqu'en 1448 dans le cadre du patriarcat de Constantinople, des traits spécifiques qui lui donnent une situation à part. Le métropolite de Kiev a rang d'« archevêque majeur » et dispose, qu'il soit grec ou slave, d'une large autonomie. Après le sac de Kiev par les Mongols... -
ORTHODOXE ÉGLISE
- Écrit par Olivier CLÉMENT , Bernard DUPUY et Jean GOUILLARD
- 23 362 mots
- 1 média
...L'Église, dans les limites de l'Empire, sera quadrillée à l'image de la carte administrative. La métropole du diocèse civil aura un « supermétropolite » ; la métropole de chaque province du diocèse, un métropolite dont dépendent les évêques des cités afférentes. Il y a six « supermétropoles » : Rome, Alexandrie,...