SCHAPIRO MEYER (1904-1996)
Meyer Schapiro est un des plus grands historiens et critiques d'art contemporains, ayant vécu outre-Atlantique. D'origine juive, né en Lituanie, à Siauliai, le 23 septembre 1904, il partit pour les États-Unis à l'âge de trois ans et y demeura jusqu'à sa mort, le 3 mars 1996, à New York. Il s'y fit reconnaître, dès les années 1929-1930, pour ses activités conjuguées de critique et d'enseignant.
L'essentiel de la vie universitaire de Meyer Schapiro s'est déroulé à l'université Columbia (New York), où il entra, en 1920, avec l'intention de devenir architecte. Mais il s'aperçut qu'il n'y parviendrait pas et se mit à étudier les langues, les mathématiques, puis la littérature, l'anthropologie, la philosophie et l'histoire de l'art.
Une double carrière
En 1924, Meyer Schapiro obtint un bachelor en histoire de l'art et en philosophie à Columbia et, cinq années plus tard, il soutint brillamment un doctorat sur le cloître et le portail de l'abbaye Saint-Pierre de Moissac, qu'il livra sous forme d'article à la revue Art Bulletin en 1931, intitulé « The Romanesque Sculpture of Moissac » (traduit en français sous le titre La Sculpture de Moissac, Paris, 1987). Il fut considéré, dès lors, comme une autorité dans les domaines de l'art roman et de l'iconographie chrétienne. Peu après, il s'intéressa à la schématisation et à l'abstraction dans l'art roman (1932-1933), puis aux sculptures de Saint-Gilles du Gard (1935) et à celles de Souillac (1939), étudia les formes de la transition du mozarabe au roman à Saint-Dominique de Silos (1939), avant de donner une première synthèse sur l'appréciation esthétique et les comportements artistiques aux xie-xiie siècles (1947). Ses préoccupations avaient fait de lui l'égal d'un Arthur Kingsley Porter, le grand historien de l'art issu de l'histoire du pèlerinage. Cependant, les intérêts de Meyer Schapiro étaient variés et débordaient du champ strictement médiéval.
À la suite de certains chercheurs, tel Arthur L. Kroeber, dont le livreStyle and Civilizations parut à Ithaca, en 1957, Meyer Schapiro se passionna pour les relations profondes qui existaient entre l'art et les autres formes de culture, voire de civilisation. Il réfléchit à la notion de style (1953, 1959), aux conditions de rupture et d'évolution, ainsi qu'aux moments de crise, qui pouvaient survenir et infléchir le cours de la création artistique. Critique influent, il appliqua ses concepts aux xixe et xxe siècles et renouvela la vision trop traditionnelle que l'on avait alors de plusieurs peintres, en confrontant leurs œuvres à la société de leur temps : Courbet et l'imagerie populaire (1940-1941) ; Vincent Van Gogh (1946) ; Fromentin, critique d'art (1949) ; Seurat (1958) ; Cézanne, enfin, s'attachant à la signification de ses natures mortes, les pommes notamment. Dépassant les bornes chronologiques trop rigides, les aires culturelles conçues comme des barrières infranchissables, il n'hésitait pas à comparer les manières de pensée et d'agir d'un Courbet ou d'un Cézanne à celles des sculpteurs de l'âge classique ou à celles des artistes précolombiens, en mettant en évidence les bases sur lesquelles des rapprochements étaient possibles. Au cours de son travail sur l'art et les artistes des xie-xiie siècles, il avait procédé ainsi, repérant et classant tous les liens qui unissaient tel détail naturaliste dans la sculpture du monastère Saint-Dominique, à Silos, à tel autre détail de même nature dans des œuvres mozarabes ou d'époque paléochrétienne, voire dans des réalisations du Proche-Orient antique. Pour chaque étude, l'approche était identique, parce qu'elle visait à saisir l'ensemble des pratiques culturelles et sociales propres à un[...]
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Écrit par
- Daniel RUSSO : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, ancien membre de l'École française de Rome, professeur d'histoire de l'art médiéval à l'université de Bourgogne
Classification
Autres références
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