MEZZOGIORNO
Un bilan partiellement positif
Entre 1950 et 1980, la Caisse du Midi a investi plus de 36 000 milliards de lires, et un nouveau plan de cinq ans octroie des aides aux « projets spéciaux » pour 40 000 milliards. L'essentiel va au développement industriel, avec un effort pour les activités manufacturières à taux d'emplois plus élevés. Un vaste programme d'infrastructures se poursuit dans le cadre des politiques régionales et inter-régionales.
La Caisse gère les aqueducs qui ont apporté l'eau potable à plus de 7 millions d'habitants. Elle a réalisé plus de 50 barrages qui stockent plus de 35 milliards de m3. Grâce aux bonifications, un bon million d'hectares ont été mis en valeur, plus de 660 000 sont irrigués et 860 000 sont au-dessous des canalisations. 16 000 kilomètres de routes nouvelles ont été tracés et des centaines de milliards de lires ont permis la modernisation des voies ferrées, des hôpitaux, des ports et aéroports, des écoles et des universités, etc. Le tourisme ne représente pourtant que 24 p. 100 des structures d'accueil offertes par l'Italie et ce, malgré des progrès récents très rapides. La consommation privée des méridionaux a triplé depuis 1951 et les genres de vie traditionnels ont éclaté. Mais le revenu moyen du Sud n'atteint que 50 p. 100 de celui du Nord. Le chômage progresse, l'enseignement technique laisse à désirer et les mentalités ne sont pas encore très ouvertes aux activités modernes : l'esprit d'entreprise, en particulier demeure insuffisant.
Les structures de l'emploi ont subi de profonds changements : recul des actifs agricoles, essor des secteurs industriel et tertiaire, mais aussi une fâcheuse poussée de l'administration du commerce de détail et du sous-emploi clientéliste. Le secteur manufacturier n'occupe que 20 p. 100 de la main-d'œuvre industrielle. À côté des célèbres « cathédrales », l'État a financé 5 600 projets industriels ; mais les économistes du Midi notent leur trop grande concentration géographique : 80 p. 100 des crédits sont allés à quatre régions (Pouilles, Campanie, Sardaigne, Sicile) et, à l'intérieur de celles-ci, se sont limités à quelques aires : les deux tiers à Tarente pour les Pouilles, autant à Palerme et Syracuse en Sicile, Cagliari en Sardaigne, Naples en Campanie. Cette dernière contrôle 50 p. 100 des emplois industriels du Midi, ce qui n'a guère fait reculer le chômage. L'Osso (l'intérieur) semble sacrifié et l'exode rural y a progressé de 80 p. 100 depuis 1961.
Les façades maritimes et les villes subissent un gros afflux de population : de vastes quartiers d'H.L.M. s'y développent ainsi que des bidonvilles. La spéculation immobilière y sévit, source de bien des scandales ; elle est plus ou moins contrôlée par la Mafia. Celle-ci – et la Camorra en Campanie – pèse sur les marchés agricoles mais évolue vers des trafics plus lucratifs – la drogue, le racket, la fraude fiscale, les grands travaux – et recourt à l'assassinat : plus de 200 morts à Palerme en 1982. Les vieux centres historiques urbains se dégradent. Ils sont parfois ravagés par des séismes comme ce fut le cas à Naples en 1980. Il n'y a pas de création d'un réel réseau urbain capable d'animer les régions, à la différence des impulsions urbaines précoces qu'ont connues le nord et le centre de l'Italie. Si la vieille aristocratie des barons latifundiaires a perdu ses pouvoirs, les villes ne sont pas devenues pour autant des pôles d'activité. La vie culturelle méridionale ne favorise guère l'ouverture des esprits, même si l'analphabétisme est en train de disparaître.
L'industrie reste fortement dépendante de l'État et des sociétés du Nord ou des multinationales. Sa production ne représente que 18 p. 100 de la masse[...]
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Écrit par
- Pierre GABERT : professeur à l'Institut de géographie de l'université d'Aix-Marseille-II
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