MI FU[MI FOU](1051-1107)
Peu d'individus ont exercé sur l'évolution de la peinture chinoise une influence aussi profonde que Mi Fu. L'importance de son rôle est sans commune mesure avec son œuvre peint proprement dit. Ce que Mi Fu a apporté, bien plus que certaines innovations techniques, c'est une nouvelle esthétique, une nouvelle conception de la nature même de l'activité picturale, à partir de laquelle devait se développer tout le courant ultérieur de la « peinture des lettrés ». Les idées de Mi Fu sont peut-être d'une originalité moins radicale qu'il ne pourrait paraître à première vue ; mais ces idées soutenues et illustrées par son génie divers ont trouvé en lui un porte-parole d'une flamboyante éloquence : il a réussi à les incarner dans tout un comportement esthétique. En faisant de sa personnalité et de sa vie même une œuvre d'art, il s'est présenté aux générations ultérieures d'artistes comme l'image idéale, le prototype même du peintre-lettré.
Une ombrageuse indépendance
C'est dans un siècle prospère et brillant que s'est déroulée la carrière de Mi Fu (« Fu » est la prononciation correcte ; en Chine toutefois, une erreur de lecture consacrée par l'usage a imposé la prononciation « Fei » : celle-ci est également utilisée par de nombreux ouvrages occidentaux). Contemporain et ami de Su Dongpo, de Huang Tingjian, de Li Longmian, il fréquenta tous les personnages les plus influents de son époque ; son talent fut remarqué notamment par Wang Anshi. Il avait eu l'avantage de naître dans une famille de hauts fonctionnaires ; par sa mère qui avait appartenu à la suite de l'impératrice, il eut ses entrées à la cour. Comblé de tous les dons, il était animé d'une farouche volonté d'indépendance ; chez lui, le soin de cultiver l'intégrité originale de sa personnalité prima toujours toute autre considération, et ceci entrava fort sa carrière officielle. Il n'occupa jamais que des postes subalternes. Constamment déplacé, il servit dans les provinces méridionales : Guangdong, Guangxi, Hunan, Zhejiang, Anhui, Jiangsu, avec un intermède dans la capitale sous le règne de Huizong, dont il put voir les collections. Son comportement excentrique, son refus de toute compromission avec les « vulgarités mondaines » le rendaient radicalement inadaptable à la vie mandarinale. Il fut deux fois démis de ses fonctions, mais ses disgrâces n'eurent cependant jamais de conséquences graves : ses bizarreries mêmes le mettaient en marge du monde périlleux de la politique, et si elles lui interdisaient tout avancement, elles lui valaient du moins une sorte d'immunité.
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Écrit par
- Pierre RYCKMANS
:
reader , Department of Chinese, Australian National University
Classification
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