CIMINO MICHAEL (1939-2016)
Michael Cimino est né le 3 février 1939 à New York. Il est le fils d’un éditeur de musique et d’une costumière, tous deux d’origine italienne. Son premier film, Thunderbolt and Lighfoot (1974) – sorti en France sous le titre Le Canardeur – malgré la présence de Clint Eastwood, n'est pas un « véhicule » anonyme réalisé pour une star, mais un film d'auteur (Cimino en a écrit lui-même le scénario) dans lequel Clint Eastwood, renonçant à ses emplois stéréotypés, trouve enfin un rôle à sa mesure. The Deer Hunter, 1978 (Le Chasseur de daims) que les diffuseurs français ont rebaptisé d'un titre plus tapageur : Voyage au bout de l'enfer, est l'histoire de trois amis confrontés à l'horreur du Vietnam, à la mort et au temps qui passe ; ce chef-d'œuvre sans équivalent dans le cinéma des années 1970 devint rapidement l'objet d'un culte pour nombre de cinéphiles. En 1979, Cimino obtient pour ce film l’oscar du meilleur réalisateur. Mais, en 1981, Heaven'sGate (La Porte du paradis) fait de lui un cinéaste maudit : mutilé par les producteurs (comme, avant lui, Les Rapaces de Stroheim ou Ludwig de Visconti), ce film sur le génocide des populations autochtones lors de la conquête de l'Ouest entraîna la chute du studio United Artists et fut la plus mémorable catastrophe financière de l'histoire du cinéma. Il faudra attendre 2012, avec la présentation du film dans sa version restaurée et rendue à sa durée initiale, pour mesurer l’ampleur et la force de La Porte du paradis, comparable aux œuvres de Griffith ou de Visconti, pour sa forme opératique.
Ce n’est qu’en 1985 que Cimino peut réaliser Year of the Dragon (L'Année du Dragon), puis en 1987 The Sicilian (Le Sicilien), que suivent DesperateHours (1990, La Maison des otages) et The Sunchaser (1996). Malgré certaines qualités, ces films n'ont pas l'ampleur des œuvres précédentes : L'Année du dragon est bien caricatural, et l'histoire de Salvatore Giuliano, dans Le Sicilien, n'échappe guère au mélodrame. Quant à La Maison des otages, il s'agit d'un remake du film de William Wyler réalisé en 1955.
Cimino éprouve une grande admiration pour John Ford, et en particulier pour The Searchers. C'est dire l'importance que prend dans son cinéma l'idée de foyer, de clan, de patrie. Thunderbolt, l'ex-soldat de Corée devenu braqueur de banques, après une longue errance à travers les États-Unis, n'aspire qu'à rejoindre une vieille école désaffectée qui symbolise pour lui le foyer rêvé. Nick, l'un des trois héros de Deer Hunter, se fait promettre par son ami Mike, avant leur départ pour le Vietnam, de le ramener, quoi qu'il arrive, dans leur petite ville de Clairton (Pennsylvanie)... Mike le ramènera mort.
À l'idée de foyer et de clan s'associe la pratique des rites : chasse au daim, bière et billard avec les amis, mariage en présence de toute la communauté ukrainienne dans Deer Hunter, bal sur patins à roulettes des immigrés polonais, ou bal du collège dans Heaven'sGate. Les héros de Cimino – les trois jeunes métallurgistes envoyés au Vietnam, le fils de bonne famille assistant au massacre dans l'Ouest – se trouvent en effet confrontés à des circonstances qui leur imposent une rupture avec les codes qu'ils respectaient et une remise en question de leur pays. La fin de Deer Hunter (les survivants, dont l'un est amputé, se retrouvent autour d'un repas mortuaire après les obsèques de leur ami) montre le désir de rétablir les rites interrompus et, malgré tout, la foi dans la grandeur de l'Amérique : « God bless America », tels sont les mots qui concluent le film.
Cimino sait donner vie à des personnages et il est vrai que ses héros sont inoubliables, complexes et attachants. Le cinéaste s'intéresse aux rapports[...]
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Écrit par
- Christophe MERCIER : ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, agrégé de lettres modernes, éditeur
Classification
Média
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