CURTIZ MICHAEL (1888-1962)
Metteur en scène de cinéma américain, de son vrai nom Michaly Kertesz, né à Budapest. Sa carrière a couvert, et au-delà, les deuxième (débuts du parlant) et troisième (relance d'après 1950) « âges d'or » de Hollywood, où il laissa le souvenir d'un gentleman original, lisant les scénarios qu'on lui apportait jusque sous sa douche et, sans doute en raison de sa connaissance imparfaite de l'anglais, multipliant les pataquès plein de sens.
Acteur de théâtre et de cinéma en Hongrie, opérateur d'actualités et assistant de Sjöström en Suède après 1919, il fut « découvert » en Allemagne par Harry Warner en 1926, et immédiatement embauché par lui : à Hollywood, il devait diriger pour Warner Bros deux films par an, quelquefois plus, et ce jusqu'en 1953. Par la suite, il travailla pour la Fox et pour Paramount.
Ce représentant exemplaire du système hollywoodien n'a été ni un très grand talent ni un pur et simple tâcheron. Ses quelque cent quarante films touchent à peu près à tous les genres et il contribua à en « fixer » quelques-uns : notamment le film d'aventures (maritimes ou non) et l'imbroglio, naïf pour nous plus qu'à son époque, d'espions et de trafiquants dans une « ville internationale ». Il a, dans l'ensemble, mieux réussi dans le drame que dans la comédie, mais on hésite à voir là l'effet de préférences personnelles. À distance, on est étonné de constater qu'il fut longtemps le « grand » cinéaste de la Warner, celui dans l'ombre duquel Raoul Walsh dut attendre de faire ses preuves.
Il s'en faut cependant qu'il ait été dénué de toute ambition esthétique : par-delà un goût prononcé pour les thèmes du sadisme sexuel et de l'individualisme frénétique ou non, Curtiz a affirmé une vocation pour les jeux d'ombres et de reflets (L'Aigle des mers[The Sea Hawk, 1940]) et les longs travellings sophistiqués (Le Roman de Mildred Pierce[Mildred Pierce, 1945] « mélo » qui relança Joan Crawford, et où il semble avoir repris certains procédés de Welles). Avant la guerre, il avait dirigé notamment les intérieurs des Aventures de Robin des Bois (Robin Hood, 1938, coréalisateur William Keighley), plus intéressants que les extérieurs, et mis au point la saga d'Errol Flynn dans plusieurs autres films : La Charge de la brigade légère (Charge of the Light Brigade, 1938) ; Dodge City (1939), sans oublier le prototype du film de pirates, Capitaine Blood (1935). Mais il sacrifia avec un bonheur égal au film « social » (Les Anges aux figures sales[Angels with Dirty Faces, 1938]), au western classique pourtant alors moribond (Virginia City, 1940) et au roman d'adolescentes (Four Daughters, 1938) qui révéla Katherine Hepburn.
Après la meilleure adaptation peut-être de Hemingway à l'écran (Trafic en haute mer[The Breaking Point, 1950]) et quelques drames bien venus (Boulevard des passions[Flamingo Road, 1949] ; Le Roi du tabac[Bright Leaf, 1950]), l'habile Curtiz connut la décadence. Il sauva L'Égyptien (The Egyptian, 1954) « péplum » antébiblique (d'ailleurs remarquablement photographié et joué) et présida aux premiers pas du procédé Vistavision (Noël blanc[White Christmas]). Mais la sûreté de main de son époque Warner était perdue : il ne la retrouva que de loin en loin, dans un « musical » dramatique et nostalgique (Pour elle un seul homme[The Helen Morgan Story, 1957]), dans l'un des rares bons films d'Elvis Presley (Bagarre au « King Creole » [King Creole, 1958]) et dans son tout dernier film, une histoire de brigands néanmoins somnolente (Les Comancheros, 1962). Il convient d'ajouter que Casablanca (1942), « extravagance » à la fois romanesque, patriotique et exotique, n'a cessé depuis son succès initial d'attirer les foules à chaque réédition, comme à chacun de[...]
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Écrit par
- Gérard LEGRAND : écrivain, philosophe, critique d'art et de cinéma
Classification
Médias
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