LONSDALE MICHAEL (1931-2020)
Doté d’une présence singulière (une voix et une diction décalées, un physique raide et emprunté), le comédien Michael (ou Michel) Lonsdale, a été, à partir du mitan des années 1950, une figure majeure d’un ambitieux théâtre d’avant-garde. En parallèle, il a construit une filmographie de nature variée (plus de 120 titres), le comédien volant souvent la vedette aux premiers rôles par ses apparitions incongrues et puissantes.
Il naît le 24 mai 1931 à Paris de père anglais et de mère française. En 1935, la famille déménage à Londres et, de 1939 à 1946, séjourne au Maroc où son père sera détenu pendant deux ans par les autorités de Vichy. Là, Michael participe à des émissions de radio pour enfants et voit beaucoup de films américains. Retourné en France, il découvre le théâtre à Cannes puis s’installe en 1949 avec sa mère à Paris, dans un appartement du quartier des Invalides qu’il habitera toute sa vie. Pour lutter contre ses inhibitions, il suit les cours de Tania Balachova où il a pour condisciples Antoine Vitez, Laurent Terzieff et Delphine Seyrig, son seul amour, non partagé.
Il connaît rapidement une activité considérable. Au théâtre, une centaine de pièces de François Billetdoux, Romain Weingarten, Samuel Beckett, Luigi Pirandello, Bertolt Brecht, Edward Albee, Georges Perec et tout particulièrement Marguerite Duras. À plusieurs reprises il est dirigé par Jean-Marie Serreau, notamment dans Le Tableau et Amédée ou Comment s’en débarrasser, d’Eugène Ionesco et plus de vingt fois par Claude Régy qui, après L’Amante anglaise de Marguerite Duras, l’intègre en 1974 à la création-événement de La Chevauchée sur le lac de Constance de Peter Handke, aux côtés de Gérard Depardieu, Sami Frey, Delphine Seyrig et Jeanne Moreau. Michael Lonsdale avait déjà été impliqué dans le travail d’expression corporelle (entamé par Grotowski et le Living Theatre) que Peter Brook adopte en 1968 à Londres pour La Tempête de Shakespeare. Le comédien y pastichera la méthode en composant le rôle d’un metteur en scène expérimental dans Out One, spectre (J. Rivette, 1971).
Dès la mi-décennie 1970, le comédien dirige lui-même (parfois en collaboration) une vingtaine de pièces, opéras, spectacles musicaux ou adaptations-montages puis, à partir de 2000, des lectures d’œuvres (à la suite des Récits d’un pèlerinrusse, présenté en 1993 dans la crypte de l’église Saint-Sulpice), s’impliquant en passeur de textes tant poétiques (R. M. Rilke, Marina Tsvetaïeva) que mystiques et religieux (c’est à vingt-deux ans que l’acteur avait reçu le baptême catholique).
Une quarantaine de livres audio, des interprétations sur France Culture, plus de quatre-vingt téléfilms et une cinquantaine de courts-métrages font connaître à un public plus large cet acteur atypique qui aura tout joué, y compris dans des films américains (il était parfaitement bilingue), de Moonraker dans la série des James Bond (1979) à Munich (S. Spielberg, 2006). Mais c’est avec le cinéma français qu’il atteint au mieux une forme personnelle intense de vérité en imposant un ton reconnaissable entre mille, avec un phrasé recto tono et des scansions lourdes de silence. Le grand public se souviendra de son allure ridicule dans Snobs ! (J.-P. Mocky, 1961, où il interprète le sous-directeur d’une coopérative laitière), ou dans Hibernatus (É. Molinaro, 1969) face à Louis de Funès qui adorait jouer avec lui car ils improvisaient tous deux avec une réjouissante facilité.
Les cinéphiles le découvrent chez Marguerite Duras dans India Song (1975) où il est le consul de Lahore, ombre ignorée hantant une soirée mondaine (ou funéraire) avant de hurler son amour pathétique et un peu effrayant pour Anne-Marie Stretter (Delphine Seyrig). Sa proximité avec la foi catholique donne une véracité troublante à ses interprétations d’homme d’Église, comme[...]
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Écrit par
- René PRÉDAL : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen
Classification
Média
Autres références
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DES HOMMES ET DES DIEUX (X. Beauvois)
- Écrit par Michel ESTÈVE
- 1 112 mots
En épigraphe de son film, Xavier Beauvois propose un verset tiré du psaume 82 : « Je l'ai dit : vous êtes des dieux, des fils du Très-Haut, vous tous ! Pourtant vous mourrez comme des hommes. » Ces fils de Dieu sont ici des moines cisterciens remarquablement interprétés par, entre autres, Jacques Herlin,...