MOORE MICHAEL (1954- )
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Avec sa casquette vissée sur la tête et sa corpulence d'Américain moyen, on ne croit pas avoir affaire à un provocateur-né. Pourtant, Michael Moore, infatigable professionnel de la contestation, se plaît à perturber depuis maintenant près d'une vingtaine d'années le consensus idéologique fabriqué par les grands médias de masse aux États-Unis. Réalisateur, écrivain, journaliste, producteur d'émissions de radio et de télévision, il révèle à ses concitoyens et au monde la face sombre du « rêve américain » : les inégalités sociales, le racisme, le chômage, la répression des syndicats, les armes à feu, l'alcoolisme, etc. Aucun des maux de l'Amérique ne semble échapper à l'ironie féroce et à l'esprit satirique qui innervent ses films et ses livres.
Michael Moore est né le 23 avril 1954 à Flint dans le Michigan d'une mère secrétaire et d'un père ouvrier dans l'une des plus importantes usines de la firme automobile General Motors. Après avoir créé à l'âge de vingt-deux ans, The Flint Voice, un journal alternatif, il entre à la rédaction du fameux magazine de gauche Mother Jones. Lorsqu'en 1986 General Motors décide la fermeture de l'usine de Flint et la suppression de 30 000 emplois, Michael Moore se lance dans la réalisation d'un documentaire, Roger & Me (1989), dans lequel il poursuit le président de la firme automobile pour éviter la catastrophe humaine sociale programmée dans sa ville natale.
La « méthode Moore » est née, mélange d'investigation et de critique sociale et politique : harceler et piéger les représentants du Big Business pour obtenir d'eux des aveux ou des remords publics. Après Roger Smith, dans Roger & Me, ce sera le tour du président de Nike dans The Big One, de celui de Wal-Mart et de l'acteurCharlton Heston, président du lobby des armes à feu, la N.R.A. (National Rifle Association), dans Bowling for Columbine. Avec à chaque fois, « Mike » dans le rôle du faux Candide et vrai trouble-fête.
Le succès du film – et de sa méthode – l'encourage à réaliser une suite, Pets or Meat : The Return to Flint (1992). En 1994, il crée, sur la chaîne de télévision NBC, une émission satirique (« TV Nation »), qui ne durera qu'un an. En 1995, il réalise son seul film de fiction, Canadian Bacon, dans lequel le président des États-Unis ne trouve pas d'autre moyen de faire remonter sa cote de popularité catastrophique que de déclarer la guerre... au Canada.
Suivent alors un livre Downsizethis !, en 1996, et, deux ans plus tard, un film, The Big One, qui installent définitivement Michael Moore dans le paysage de la contestation politique et sociale au États-Unis : en cause, notamment, l'exploitation des salariés par les multinationales américaines et leur peu de scrupules à faire travailler des enfants dans les pays du Tiers Monde. En creux se dessine le portrait d'une Amérique bien peu « développée », un pays où les riches s'enferment dans des gatedcommunities(communautés fermées), où pauvres et Noirs remplissent les prisons, où la violence économique et policière finit par rendre la société invivable.
Aussi loin que le pousse sa fièvre militante, Michael Moore demeure un patriote que scandalise le cours suivi par son pays. Leader d'une nouvelle « nation », The People's Democratic Republic of Television (PDRTV), il s'engage résolument contre l'arrivée de l'équipe Bush à la Maison-Blanche avec son second livre, Stupid White Men, paru quelques mois après les attentats du 11 septembre 2001. L'énorme succès du livre et du film Bowling for Columbine sortis en 2002 met brutalement Michael Moore sur le devant de la scène au moment de la guerre en Irak, en mars 2003. Porte-parole autoproclamé de l'« autre Amérique », il affiche un visage grave et tendu à la cérémonie des oscars de la même année, pour condamner une nouvelle fois la politique étrangère de son gouvernement (« Honte à vous, Mr. Bush »). Il réalise alors Fahrenheit 9/11, un violent portrait-charge de George W. Bush et de son administration, qui lui vaut d’obtenir la palme d’or au festival de Cannes 2004. En 2007, avec Sicko, il s’attaque au système de santé américain, générateur de criantes inégalités. Il réalise également SlackerUprising (2007) et Capitalism : a love story (2009).
Michael Moore est un personnage à part aux États-Unis. En effet, dans un pays où la critique politique, économique et sociale ne parvient que très rarement à sortir des limites étroites des campus et des réseaux souterrains de la contre-culture, l'audience de ses livres et de ses films fait de Michael Moore une sorte d'exception ou d'anomalie dans la vie publique américaine.
Pour cette raison, son succès agace. Les représentants de l'establishment politique américain, mais aussi une part d'une gauche intellectuelle universitaire et élitiste sont souvent prompts à dénoncer le discours « populiste » du réalisateur de Bowling for Columbine. Michael Moore n'est certainement pas un « intellectuel », au sens où on l'entend en France et dans le quartier de Greenwich Village à New York. Si on devait lui trouver une paternité, c'est sans doute du côté du Charlie Chaplin des Temps modernes et du Dictateur qu'il faudrait chercher. Tous deux partagent en effet les mêmes origines modestes, une œuvre cinématographique qui met l'humour et la satire au service d'un combat narcissique, mais généreux, contre l'injustice.
Filmographie
Roger and Me (1989) ; Pets or Meat : The Return to Flint (1992) ; Canadian Bacon (1995) ; The Big One (1998) ; Bowling for Columbine (2002); Fahrenheit 9/11 (2004) ; Slacker Uprising, 2007; Capitalism : a love story, 2009.
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Écrit par
- Hugues JALLON : éditeur
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